Enième lettre de (dé)motivation…
En attendant de vous en convaincre, je vous prie d’agréer, Madame, Monsieur, l’expression de mes salutations distinguées.
Depuis presque trois ans, c’est la énième formule de conclusion que je trace au bas d’une lettre de motivation. Comme dans les précédentes lettres, j’ai pris le soin d’écrire avec application sur du papier blanc format A4, en respectant les marges au millimètre près.
C’est ainsi que nous l’enseignait, avec des grands gestes, M. Sanoh, avare en notes, dans son cours de Techniques de l’Expression.
Pourtant, ni la façon élégante de plier la lettre avant de l’insérer dans l’enveloppe, ni l’inspiration aux nombreux modèles de lettres, tirés à grands frais sur Internet, n’ont changé ma situation : je suis encore et toujours au chômage. J’ai beau éplucher chaque numéro du LYNX en commençant par les annonces, auxquelles je réponds régulièrement, la réponse à mes lettres de motivation reste invariable: le silence.
CV et lettre de motivation sont toujours traités avec le même soin. Et Chaque acte de candidature pour un poste à pourvoir est une source de tension. Mon téléphone affiche un numéro inconnu après à un dépôt de dossier, je me précipite dans un coin relativement calme, pensant que c’est le futur employeur. C’est souvent une erreur d’un autre diplômé sans emploi voulant joindre une nouvelle cible, ou bien un bip d’un parent de Kansagui en lutte avec le réseau perdu !
A notre sortie de l’Université de Labé en février 2008, beaucoup d’amis me lançaient : « toi, tu n’auras pas de problème d’emploi avec ta mention Très-Bien ». Je répondais avec philosophie, en disant que ce n’est pas toujours évident.
Le philosophe qui m’habitait à l’époque a aujourd’hui sacrément raison. Le plus amusant c’est quand, une semaine après le dépôt des dossiers, celle que vous avez aidé à écrire sa lettre vous appelle pour demander : « on t’a appelé ? Moi, on vient de me dire de me présenter demain pour le test ». Avant, j’avoue que ça me révoltait en repensant au cours de M. Sanoh. Mais maintenant ça m’amuse, ayant compris la connotation du mot « test » dans cette phrase.
Après cette longue expérience d’écriture de lettres de motivation avec le plus grand raffinement, j’ai compris, enfin, que je faisais fausse route. En Guinée, espérer trouver de l’emploi en comptant uniquement sur son diplôme, quelle que soit la mention, est une entreprise hasardeuse. Un simple coup de fil d’un oncle à M. le Directeur, vaut mille lettres et CV au style recherché ! Cela est d’autant plus vrai que même décrocher un stage d’un mois dans une banque, c’est la croix et la bannière.
D’aucuns pensent d’ailleurs que toutes les exigences sur le profil des candidats dans les avis de recrutement sont purement farfelues ; surtout pour ce qui concerne les années d’expérience. En tout cas, bien de postulants ont eu la désagréable surprise de retrouver leur fameuse lettre de motivation en guise d’emballage en achetant des cacahuètes chez la vendeuse du coin.
Je voudrais tellement revoir mon professeur de Techniques de l’Expression pour lui suggérer d’actualiser son cours !
Alimou Sow
Commentaires