En chair ou en os ?
«Qui diable est mieux qu’une demoiselle taille de guêpe, leste et effilée avec une poitrine modérée ? Une fille au corps débarrassé de graisse inutile et mortelle dont tu raffoles, une gazelle au regard perçant, à la démarche angélique,…? Je suis tout simplement abasourdi par ton manque de goût et de raffinement », réplique Amara 29 ans, plein de dépit face aux affirmations de son ami et voisin.
« Une femme qui a du poids, qui possède un tour de taille grand comme ça. Une femme fessue, aux formes généreuses, aux lèvres pulpeuses, qui possède une poitrine ensorcelante,…Une femme qui, quand elle marche, te donne envie de solliciter des jours de bonus auprès du Seigneur pour rallonger ton existence ! Et bien, ce genre de femmes, j’adore tout simplement », venait de bégayer son ami Alpha, trentenaire, les yeux mi-clos tel un bouddhiste en plein méditation pour mieux se représenter « sa » femme idéale.
« Comment préférez-vous les femmes : grosses ou minces » ? J’ignorais totalement qu’en posant cette question à des jeunes diplômés chômeurs qui diluent leurs soucis dans un thé à l’ombre du manguier, j’allais toucher la corde sensible du poète caché en eux. Tout un programme…
Au milieu des années 1990 dans les pays au sud du Sahara, comme la Guinée, la Sierra Léone ou la Côte d’Ivoire, l’image d’une certaine femme modèle de beauté a été instillée dans les esprits. Un corps svelte, une chevelure abondante, une démarche gracieuse. C’est la belle femme occidentale valorisée par la pénétration massive dans les foyers des chaines de télé du bouquet satellitaire. Les feuilletons télévisés ont fait le reste. Il ne fallait pas plus pour que fleurissent un peu partout dans nos coins noirs des Naomi Campbell pas belles. Les adeptes de ce modèle se sont vite imposées un régime alimentaire très strict pour avoir un corps de mannequin qui cachait mal une anorexie sévère. Au grand dam des parents qui n’y voyaient que perversion et mimétisme…
Plus au Nord dans certains pays du Sahel comme le Niger et la Mauritanie des peuplades avaient recours au gavage pour embellir les demoiselles en âge de se marier. Cette pratique ancestrale consistait à faire ingurgiter des quantités phénoménales de nourritures à une gonzesse pour lui donner un physique de rêve, débarrassé de tout aspect squelettique signe de laideur et de pauvreté. Le tout était minutieusement préparé et chapeauté pour une nurse obéie au doigt et l’œil. La pratique, dans sa forme achevée, est quasiment tombée en désuétude, l’émancipation de la femme aidant…
De nos jours on assiste de plus en plus dans les villes guinéennes, notamment à Conakry la capitale, à la résurgence de l’image de la femme grosse comme modèle de beauté. Un corps adipeux, une poitrine généreuse, un fessier dégoulinant de cholestérol. Ce sont des « Boul-Boul », des bulldozers qualifiés de « rondes » pour faire élégant. Une surcharge pondérale due à des facteurs divers et variés.
Tout d’abord une alimentation incontrôlée, trop riche en sucre, féculents et graisse. Ensuite, la sédentarité aggravée par le manque de pratique de sports. Le moindre déplacement est motorisé, l’habitude aidant, la paresse s’est installée. Enfin, la propension de plus en plus grande des hommes à préférer celles qui sont grosses dans les relations amoureuses.
« Quelle que soit la beauté d’une femme, si elle n’est pas grosse je m’en tape moi », s’est écrié un taximan l’autre jour. Pour remplir ce critère de beauté, certaines filles n’hésitent pas à faire appel à des méthodes plutôt…musclées. Leur menu est constitué des recettes qui rappellent les gavages au Sahel. D’autres poussent l’aplomb jusqu’à recourir à une automédication réputées efficace, infligeant ainsi une cure d’austérité (tiens, tiens !) à leur bourse frappée de cachexie (Re-tiens, tiens) ! Elles se gavent d’une mystérieuse pilule au nom bizarre de « Guéckédou » qui ne tarde pas de les expédier six pieds sous terre.
J’ai connu une de ces filles au physique merveilleusement bien dessiné (pour moi) et qui du jour au lendemain, a pris la décision fatale de consommer du Guéckédou. En moins d’un mois elle est devenue gonflée comme une montgolfière. On aurait dû que tout son corps était parcouru d’œdèmes. Trois mois de sursis et elle est partie les pieds devant !
Les conséquences de ce phénomène «d’obésité sollicité » est catastrophique. Sur le plan sanitaire, les maladies cardiovasculaires, avec en filigrane l’hypertension artérielle, se promènent entre de jeunes femmes d’à peine quarante ans. Y en a qui disent que pour être belle, il faut souffrir. Sans vouloir trop généraliser, mais je suis étonnamment frappé par l’inclinaison des femmes contemporaines à martyriser leur corps: cure d’amaigrissement, gavage, bronzage, gommage, tatouage, piercing, dépigmentation,… Tout ça pour le paraitre, pour les yeux des autres, des mecs que nous sommes, puisqu’il s’agit bien de nous !
Et vous, comment les préférez-vous : en chair ou en os ?
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