Back to my village
Mercredi, 23 février 2011. Me revoilà à Pountougouré! Le village qui m’a vu naître et grandir. Je respire un grand coup. Perché à plus de 1500 m d’altitude sur les contreforts du Foutah Occdidental, le voyageur en provenance de Conakry qui arrive ici réalise une véritable bouffée d’oxygène ! La pureté de l’air, quoique un peu sec à cause de l’harmattan, vous donne une sensation de bien-être. Le chant mélodieux des oiseux remplace le vacarme des rues perpétuellement embouteillées de la capitale. La fraicheur du climat « foutanien » vous fait oublier, l’espace d’une nuit, la chaleur moite et les moustiques de Conakry. La nature vous envahit ; vous faites corps avec elle. La première nuit de mon arrivée, j’ai dormi comme une souche.
Pountougouré, mon village natal ! Ici, sont enfouies mes toutes premières dents. Ici, j’ai usé mes petites culottes sur les troncs des manguiers et orangers, tous disparus. J’adis, pour franchir la haie en bois qui délimite le village, je grimpais. Cette fois-ci, j’ai poussé une petite porte fixée à un grillage. Beaucoup de cases au toit de chaume ont fait place à des « pentes américaines ». Le ballon en caoutchouc que nous fabriquions artisanalement, mes amis d’enfance et moi, est devenu un ballon industriel qu’on joue sur « guichets ». Quelques puits çà et là. Les vieilles personnes qui peuplent le village ne tarissent pas d’éloges à l’endroit des « fils ressortissants » à l’origine de toutes ces mutations.
Les habitants de ce coin perdu de la sous- préfecture de Brouwal Sounki, préfecture de Télimélé, vivent d’une agriculture itinérante et un élevage domestique très rudimentaires. Des habitants qui portent le courage en bandoulière avec l’humilité chevillée à l’âme. Ce qui ne les met pas pour autant, à l’abri des exactions des autorités locales qui s’érigent en véritables potentats ruraux. Les seuls rapports qui existent entre les citoyens de Brouwal et l’Administration, se résument en : impôts, intimidations, exactions et rançons. Le moindre pépin entre deux personnes et le sous-préfet se transforme en juge pour trancher l’affaire en sa faveur ! L’accusé et la victime sont tous sommés de verser une amende dont le plus petit montant équivaut à un chargement de sable ici : 1 300 000 GNF. Aucune infrastructure étatique. Le personnel des écoles et dispensaires construits par les citoyens, sont la plupart du temps entretenus à leurs propres frais.
Pour couvrir, en voiture, les 35 km de piste montagneuse qui séparent Pountougouré de Télimélé ville, il faut 3 à 4 heures ! 35 km qu’un ex-puissantissime ministre du CNDD (Conseil National pour la Démocratie et le Développement), ressortissant de Brouwal et actuel ministre de l’Elevage, préfère se taper en safari à bord de grosses cylindrées. Tant pis pour les pauvres qui n’ont que leurs frêles jambes pour affronter poussière, pierres et crevasses !
Je quitte Pountougouré, toujours avec un pincement au cœur. Comme à chaque fois, je fonde l’espoir que la prochaine fois que je reviendrai, l’impôt et les taxes payés par mes parents auront servi à quelque chose localement. Je fonde l’espoir que les autorités se seront humanisées un tant soit peu, qu’il y aura plus de puits, plus de dispensaires, plus de latrines, moins de crevasses sur la route. J’espère que les écoliers seront plus nombreux, plus brillants, les enseignants compétents et en nombre suffisant. Enfin, je souhaite que les bénédictions des parents du village pour le succès des ressortissants, soient exaucées par Allah. Car Pountougouré, je t’aime !
Alimou Sow
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