Bienvenue à Télimélé!
Moi : Bonjour Monsieur. Y a-t-il un cyber à côté ?
L’inconnu : Un quoi ?
Moi : Un cybercafé, où je peux avoir accès à Internet.
L’inconnu : Mon frère, si vous voulez du café noir, c’est juste à côté. Pour le reste, je ne comprends vraiment pas ce que vous voulez dire !
C’est ma toute première conversation après avoir foulé le sol de Télimélé. Ma préfecture natale. Je reprenais peu à peu mes esprits. Oui, après les 135 km de piste poussiéreuse Kiandia-Télimélé et la montée vertigineuse des virages tortueux des cols du mont Loubha, le voyageur qui débarque à Télimélé-ville à bord d’une Peugeot 505, est forcément sonné. Complètement couverts de poussière, nous émergeons de la 505, engourdis, comme des astronautes ayant longtemps séjourné dans un vaisseau spatial. Pour jauger la quantité de saleté avalée durant le parcours, faites comme Diak en compagnie de Rose sur le pont du Titanic : allez chercher au fond de votre gorge le crachat et examinez les dégâts sur un mouchoir blanc ! C’est alors que vous comprendrez la nécessité de s’équiper d’un cache-nez avant de s’engager sur la route de Télimélé par les temps qui courent!
Commune urbaine de Télimélé: 13 507 habitants (2006) dispatchés dans six quartiers. Un hôpital préfectoral– certains, comme moi, diront un mouroir –, une unique station service, un seul lycée public, une espèce de « stade » omnisport et les bâtiments administratifs rescapés des évènements de 2007. Voilà, schématiquement, ce que compte la préfecture de Télimélé en termes d’infrastructures. Le courant électrique, tiré d’un micro-barrage sur la rivière Samankou qui ceinture le côté Nord de la ville, joue le yo-yo. Quand le débit monte, le courant refait surface, lorsqu’il baisse, il suit ou s’arrête tout simplement. Pour l’eau courante, on se contente des puits traditionnels, de quelques forages et les sources des marigots.
« Je suis de Télimélé ». Ma réponse à ceux qui me demandent d’où je viens. Souventes fois je me suis entendu dire : « ah, les gens de Télimélé sont malins », avec un brin de provocation dans la voix. Y en a qui rajoutent : « Et puis vous aimez l’ambiance et les femmes». Progressivement, j’ai compris que « malins » est un euphémisme pour dire que nous sommes des « redoutables marabouts, capables de faire parler des pierres, de jeter des mauvais sorts, etc. ». Souventes fois, je me suis retrouvé désarçonné devant de telles affirmations. Aussi, il m’est arrivé de répliquer par une boutade ou une accusation plus grossière à l’endroit de la ville d’origine du provocateur.
Mais, quelle est cette préfecture de la Guinée qui n’a pas une étiquette ou un mythe expliquant la bravoure de ses fils ou retraçant son origine? Pour la mienne, la légende – certains rétorqueront que c’est de l’Histoire –, dit que le nom « Télimélé » est composé de deux mots (Soussou ou Poular, eh oui !) : Téli qui désigne une variété d’arbres réputée pour sa rigidité, et Méli (ou Mélé) qui signifie vénéneux. Légende ou pas, cette essence végétale prolifère dans la ville, distribuant généreusement son ombre fraiche et son bois rigide. C’est le cas au quartier de Kolly où, lorsque le soleil est au zénith à la gare routière, animaux domestiques et voyageurs poussiéreux se bousculent sous un Téli majestueux et centenaire.
Pour l’amour de l’ambiance, difficile de nier. Le légendaire orchestre Télé-Jazz a fait swinguer plus d’un, sur des airs à la fois mélodieux et envoûtants qui ont, des années durant, fait la fierté des Télimélékas. La voix érayée de Abdoulaye « Breveté » ou de celles des rossignols Binta Laly Sow et Léga Bah, continuent encore de bercer les oreilles mélomanes. Enfin, des tubes en vogue comme « waka waka Baby », « Cellou Laamiké » font balancer les inconditionnels de « Janet » et « Africa », deux discothèques qui tiennent le pompon sur le plan local.
Si nous aimons les femmes ? Ben oui ! A commencer par moi, surtout si elles sont belles. Puisqu’elles sont belles, les femmes de chez moi. Une beauté authentique, originale, dont le regard charmant remplit le cœur de douceur. Sur le chemin de la rivière, en pilant le riz, le fonio ou le sorgho qui foisonnent, les femmes de chez nous savent fredonner de belles mélodies pour se donner du courage et de la force morale. « Femmes noires, …», symboles de la beauté africaine, c’est elles que chante Senghor dans sa poésie.
Télimélé, certes pauvre, très pauvre, en infrastructures, mais oh combien riche en culture et agriculture. Nous n’avons ni le goudron, ni le robinet, ni Internet. Mais le sourire de nos femmes éclaire notre esprit et l’eau vivifiante de nos rivières apaisent nos cœurs. Vous venez de vous coltiner les cols du mont Loubha à bord d’une 505. Baignez-vous de l’ombre apaisante de nos Téli, en attendant de vous désaltérer d’une calebasse d’eau fraiche, servie par une beauté locale. Bienvenue à Hooré Wélia !
Alimou Sow
Commentaires