Ces Guinéens kamikazes de l’immigration clandestine
Le fait-divers, rapporté ce 24 septembre par le quotidien espagnol El Pais, avait peu de chance de trouver un écho en Guinée. Pas forcément parce qu’il s’est déroulé à plus de 5.000 km de Conakry, non. Mais, englués depuis près de deux ans dans une crise politico-sociale des plus imbéciles, les Guinéens de Guinée ont visiblement d’autres chats à fouetter.
Pourtant, l’étonnant fait-divers dont il s’agit les concerne tous et est révélateur de l’état de paupérisation de leur pays; une paupérisation dont ils sont particulièrement heureux de faire officiellement partie à travers la fameuse initiative PPTE ! Honni soit qui mal y pense…
Mais de quoi s’agit-il ?
D’un Guinéen qui ne manque pas d’idées pour immigrer en Europe. Sauf que la trouvaille de ce jeune homme est complètement déjantée ! Ce 24 septembre, la Garde Civile espagnole a arrêté un Guinéen de 20 ans qui s’était transformé en siège de voiture pour rejoindre l’enclave espagnole de Melilla! Rien que ça. Cela s’est passé dans la petite ville marocaine de Beni Ansar voisine de Melilla, une enclave espagnole de 12,3 km2 revendiquée par le Maroc et qui est entourée d’une barrière métallique de 6 m de haut pour décourager tout aspirant immigré.
Le jeune en question, dont on connait peu de choses manifestement, a vidé le rembourrement du siège avant (notre place escroc en fait) d’une voiture pour y prendre place, avant d’être recouvert de chiffons et différentes sortes de paquets (Voir photo). Ce qui n’a pas déjoué la vigilance des agents de contrôle au poste frontalier qui ont débusqué le jeune homme dont la tête était enfouie dans l’oreiller du siège. Lui et ses deux complices marocains ont été mis aux arrêts.
C’est que les Guinéens sont devenus imbattables dans le montage de plans ultra sophistiqués pour quitter notre scandaleux Château d’eau pour « l’extérieur », comme on dit ici. Notamment l’Occident (USA, Europe, Canada) et, de plus en plus, l’Angola.
Il y a 13 ans, le 2 aout 1999, les corps de Yaguine Koïta et de Fodé Tounkara furent découverts à l’aéroport de Bruxelles dans le train d’atterrissage du vol 520 Sabena Airlines en provenance de Conakry. Les jeunes élèves avaient emporté dans des sacs plastiques leurs actes de naissance, des photos et une lettre truffée de fautes de français dans laquelle ils imploraient la « solidarité et la gentillesse des responsables d’Europe », pour venir « au secours en Afrique ». Cette lettre, largement médiatisée, avait suscité un vif émoi.
Par la suite, un film (un matin bonne heure), plusieurs Cercles Yaguine et Fodé, une Fondation en leur nom et des chansons dédicacées étaient nés. Puis, plus rien. Silence radio. Sauf celui très éloquent de la misère qui enserre les jeunes guinéens dont la plupart sont devenus politiquement serviables et corvéables à volonté, faute de mieux. Le système éducatif auquel ils sont soumis reste poussif, le chômage et la précarité dictent leurs lois. L’issue reste l’espoir que « ça va change un jour ». En attendant, on noie les soucis dans le championnat de foot européen, les jeux de hasard (Guinée Games et Kanda en tête) ou, plus dramatique, on se jette dans l’aventure à corps perdu. En tentant parfois de rééditer les tragiques exploits.
Le mardi 28 aout 2012 à 20 heures, un autre jeune homme de 20 ans, Fodé Soumah, a voulu imiter Yaguine et son homonyme Fodé. Il a été repéré in extremis à l’aéroport de Gbessia sur le train d’atterrissage d’un vol d’Air France sur lequel il avait réussi à se hisser en longeant un égout de 800 mètres pour rejoindre le tarmac de l’aéroport. Interrogé, Fodé Soumah avait dit vouloir continuer ses études de médecine en France. Ne cherchez pas, cette info aussi était passée inaperçue, notre vaillante presse étant occupée à se repaitre des restes nauséabonds de la politique politicienne.
Ces dix dernières années, c’est le scintillement des diamants angolais et les dollars issus de la vente des matériels électroménagers dans ce pays pétrolier de 18 millions d’habitants, vaste comme cinq fois la Guinée, qui attirent les immigrés guinéens. Ceux-ci n’hésitent pas à se taper une odyssée de deux ans dépensant jusqu’à 7.000 dollars US, parfois pour être immédiatement charterisés sur Conakry après un séjour « diététique » à la prison de haute sécurité de Tirinta près de Luanda.
Pourtant, ça va changer nous sérine-t-on depuis de longues années. Pourtant, chaque matin, entre 7H et 8h du matin, en écoutant l’émission La Grogne (Soleil FM), devenue baromètre des convulsions sociales du pays, je me dis que le changement n’est pas pour demain. Du moins dans les mentalités. Espérons que le machin PPTE me démentira.
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