Conakry-Labé : bienvenue à bord
Mercredi 23 mars, il est pile 6H du mat ! Nous arrivons, enfin, à Labé. A part les courbatures, dues à la surcharge sur les 400 km Conakry-Labé, le voyage s’est globalement bien déroulé. Il a été « bonne », le voyage. Si, si vous avez bien lu « b.o.n.n.e ». « Bonne Voyage », m’avait-on souhaité au départ de Conakry ! En Guinée, un voyage commence souvent, très souvent, par une faute grammaticale. Bizarrement ! Allez savoir pourquoi. Quoi qu’il en soit, personne ne s’en plaint. Pour ma part, je ne pouvais répondre que par un « merci ».
Dix heures plus tôt, je m’embarquais à la gare routière de Bambéto. A l’entrée de la gare, des rabatteurs en embuscade m’avaient assailli des questions pour s’enquérir de ma destination : Labé ? Kindia ? Mamou ? Kankan ?… « Labé », ai-je répondu. Des mains habiles se proposent alors de m’aider à transporter mes bagages. Ce que je décline, sans aucune forme de politesse. « C’est premier Gaou qui est Gaou »…Je saute dans une Nissan, « clando ». Sans raison particulière, bien qu’avec les clandos, on peut parfois négocier le transport. Avec mon physique d’athlète, j’étais dangereusement comprimé dans la petite Nissan. Tout le monde peste. Le chauffeur reste de marbre. On finit par s’extirper des embouteillages nocturnes de Conakry. Cap sur Coyah, la première ville sur le trajet après le KM 36.
« EXIT », le fameux « Barrage km 36 » ! Les nouvelles autorités l’ont supprimé, comme tous les autres barrages interurbains d’ailleurs. Une véritable révolution. De tout temps, au « Barrage km 36 », des militaires, policiers, gendarmes et douaniers ont racketté, intimidé et humilié chauffeurs et voyageurs. Ils rivalisaient en cela par des voleurs à la tire et des gangsters. Je me réjouis donc de sa suppression. Sans pour autant tomber dans l’angélisme. Combien de fois ce barrage a été supprimé, puis rétabli quelques temps après ? Sans « 36 », Coyah est à portée de…roue.
Coyah : 4500 mm de pluie par an, une usine d’eau minérale et le sel de cuisine. C’est tout ce que Coyah possède. On aurait cru que le centre-ville a subi un séisme de 8.9, tant le délabrement des infrastructures est frappant. Au bord de la route, sont alignés symétriquement, des petits sacs de sel et d’innombrables sachets d’eau minérale. Des vendeurs à la sauvette nous assaillent avec une panoplie d’articles : cartes de recharge, biscuit, torches, jus, sardines, « Malé » gâteau, … Notre chauffeur les ignore et manœuvre habilement pour passer. Kaka, Kouria, Mambia, puis Friaguiagbé aux portes de Kindia. Sur les camions qu’on dépassait ou croisait je lisais des inscriptions très originales : « Bonne chance à tous », « Merci Maman », « Grâce à mon oncle », et même « Bonne chance Jack Boer » ! Le chauffeur ralentissait toujours à la vue des rameaux qu’on jette sur la chaussée. Ils représentent les triangles rouges qu’on déploie en cas de panne ou d’accident.
Kindia, la ville aux agrumes. Depuis que cette corniche qu’on appelle «La Contournante » a été réalisée, le voyageur en partance pour Labé ne voit presque plus les fameux agrumes. Nous contournons donc le centre de Kindia et mettons le cap sur Mamou. Après la montée vertigineuse de Yombokouré, nous zappons Linsan qui dormait déjà, pour arriver à Tamagaali, la localité rivale. Linsan et Tamagaali, sont comme le Yin et le Yang, éternelles rivales sans qu’aucune ne puisse exister sans l’autre. Comme c’est la nuit, nous faisons une brève halte à Tamagaali pour manger. Café, omelette façon-façon, pomme de terre-hier-soir, Lathiri-et-Kossan, viande. J’opte pour de la viande chaude pour éviter de choper un truc méchant, du genre fièvre typhoïde. J’ai eu tort. Le gars m’a servi de la carne que j’ai refilée à un petit « tablier », au risque de me casser les dents. On rembarque, direction Mamou.
Mamou, la ville-carrefour. Ici, on ne dort pas. Deux heures du matin, la ville est plongée dans le noir. Seul l’hôtel « Ballys » apparait comme un îlot dans cet océan d’obscurité. On remarquait, au bord de la route, des jeunes filles et garçons, juchés sur des motos « Safari » dans une position douteuse. Les sages secouent la tête dans la Nissan. Nous passons. Avant d’arriver à Dalaba, nous étions quasi étourdis tant le chauffeur a zigzagué pour feinter les nids de poule du goudron, vieux d’un demi-siècle.
Dalaba, « la Suisse de l’Afrique » ! Après la colline qui donne sur la ville, nous sommes accueillis par la fraicheur de l’air à l’origine de ce surnom panafricaniste. Au loin, les minarets de la mosquée majestueuse se détachent dans le clair de lune. Nous dévalons la pente, laissant à gauche les sapins de Dalaba, jadis luxuriants. Comme Mamou, Dalaba est également obscure. De l’autre côté, à la sortie de la ville, un « School Bus » renversé sur le bas-côté de la route. Notre chauffeur explique qu’il a tué 17 personnes dans un accident ! Des « Soubouhanallahi » fusent dans notre voiture. A partir de là, le chauffeur est supplié de faire « doucement » toutes les fois qu’il veut doubler un camion.
Pita, dernière étape avant Labé. Comme Mamou et Dalaba, pas d’électricité non plus à Pita. Cela m’étonne tout de même. D’habitude, Pita est éclairée par le barrage de Kinkon. Au centre ville, des « 505 » venues de Conakry débarquent des passagers. Des planches chargées du pain qui n’a pas trouvé de client sont désespérément exposées au bord de la route. Une voix de muezzin nous rappelle qu’il est 5H du matin. On traverse la rivière Koubiwol qui ceinture la vile ; cap sur Labé 40 km plus loin.
C’est à 6 heures pétantes qu’on franchit l’arche souhaitant la « Bienvenue à Labé ». Je file directement à la maison et tombe dans les bras de Morphée. C’est parti pour de longues heures de récupération pour un voyage qui a été « BONNE ».
Alimou Sow
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