Femmes, fêtes et franc guinéen
S’il existe des éléments qui se côtoient en parfaite harmonie, au-delà même des sonorités poétiques des mots, c’est bien femmes, fêtes et fric. En Guinée, ce fric s’appelle le franc guinéen (GNF) et des belles femmes, y en a à « revendre ». Ici, quand ces trois s’associent, le résultat est souvent… artistique. Et il se trouve que l’année 2010 s’achève dans une cascade inédite de fêtes, mettant les femmes aux anges. A l’occasion de chacune d’elles, le franc guinéen, disponible à gogo, coule à flot, formant des torrents de décors et d’ornements.
En Guinée, comme dans bien des pays musulmans, la fin de l’année 2010 aura été festive. L’Aïd el Fitr (Ramadan), en septembre, l’Aïd el Kébir (Tabaski) en novembre et l’Achoura (fin d’année musulmane) le 15 décembre dernier. Sans compter Noël et La Saint-Sylvestre, déjà dans les murs et qui sont également célébrées ici. A cela s’ajoutent le retour des pèlerins des Lieux Saints de l’Islam et les interminables mariages. Ainsi, chaque jour correspond quasiment à une fête. Et chaque fête met les femmes à l’honneur et en action.
Elles sont au four et au moulin pour les préparatifs. Le jour de la fête, elles se mettent dans une toilette irréprochable et arborent leurs plus belles parures. Les incontournables basins « Bamako », dont la simple évocation du nom donne le tournis aux maris, se mêlent aux bijoux de valeur, le tout rehaussé par des artifices de toilette à rajeunir une octogénaire. Si ce côté festif des femmes est quasi-universel, le plus curieux en Guinée, c’est d’ailleurs l’objet de ce billet, est le traitement que les guinéennes font subir à notre monnaie lors de certaines cérémonies.
A l’occasion des mariages et de la traditionnelle cérémonie de réception des pèlerins, les femmes de chez nous, dans un art inimitable, décorent différents objets avec des billets de banque, sortis tout droit de l’usine. A l’approche de la cérémonie, ce sont des quantités importantes de vieux billets qui sont échangés dans les banques contre des neufs. Des spécialistes rompues à la matière se chargent du reste. A l’aide d’un fil et d’une aiguille, des calebasses, des vans, des colliers et des parapluies entiers sont transformés en objets d’art avec des coupures de 100 ; 500 ; 1000 ; 5000 et 10 000 GNF. Ces objets sont offerts cérémonieusement, selon les cas, soit aux mariés ou au pèlerin.
Ainsi, le temps d’une fête, ce sont des centaines des billets de banque qui sont perforés, accélérant leur usure une fois réintroduits dans la circulation. Il est d’ailleurs fréquent de rencontrer ces billets dont les côtés portent encore les stigmates des points de suture. Le plus étonnant est que les autorités restent silencieuses face à ce phénomène qui tend à s’institutionnaliser avec les cérémonies. Pourtant, même ici le plus grand analphabète sait qu’un billet de Dollar ou d’Euro un tant soit peu sale, ne vaut rien. Alors comment veut-on que le franc guinéen, déjà aux abois et ainsi traité, ait une quelconque valeur face aux devises ?
Il est universellement connu que les femmes aiment le fric. Alors, les guinéennes appliqueraient-elles à la lettre l’adage selon lequel « Qui aime bien châtie bien » ?
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