10 mai 2011

J’ai rencontré Oscar, le caricaturiste du satirique Le Lynx

Ben Youssouf Barry alias Oscar

« Il possède des capacités à travailler de façon autonome ; c’est un étudiant intelligent qui a de l’avenir », disait de lui en 1989 Dr Paul Condé, Doyen de la Faculté des Sciences Biomédicales de l’université de Conakry (Actuelle Gamal). Vingt-deux ans après, la déclaration s’est avérée prémonitoire pour Oscar, Chef du service Illustration et Caricatures de l’hebdomadaire satirique Le Lynx.  Chaussé de verres correcteurs et armé d’un sourire charmeur, il me reçoit ce vendredi après-midi dans les locaux exigus et  surchauffés du Journal.  Petit tour dans son bureau: occupé. On se contentera des fauteuils du couloir d’entrée qui sert d’antichambre.  J’ouvre le débat : « Monsieur, vous êtes connu sous le pseudo de Oscar, veuillez vous présenter ». Il me glisse une magnifique carte de visite qui indique  « Ben Barry Youssouf Oscar ».

Comme tous les lecteurs du Lynx, Youssouf Ben Barry me fait sourire chaque lundi. Je le prenais pour un Goliath, je découvre un Peulh de 49 ans imberbe dont la démarche est soutenue par une béquille. Né à Gaoual, Youssouf Ben Berry alias Oscar a eu une enfance itinérante. Son père, Elhadj Boubacar Seydi, originaire de Labé (Dara-Labé) était trésorier payeur  qui vit au gré des mutations. C’est à Kindia à l’Ecole Primaire de l’Application qu’il est admis comme auditeur libre à seulement quatre ans. Il se révèle un doué, surtout pour le dessin dont on lui découvre des talents précoces. « En classe de 4ème c’est moi que le maître désignait pour dessiner la carte de la Guinée au tableau ». Trois ans plus tard, il faisait porter par ces camarades du Collège du « Baffons » les portraits grand format de Samory Touré, Alpha Yaya Diallo, Lumumba ou de Che Guevara lors des défilés à Kindia.

Doué, le petit « Ben » est aussi un « turbulent ». Après un transfert à Forécariah, il se fracture la jambe gauche lors d’une partie de tennis dans la cour du Gouverneur d’alors. Petit séjour à Conakry (Enta) auprès d’un guérisseur traditionnel avant son retour à Kindia où il décroche, sans coup férir, l’examen d’entrée en 7ème année puis le Brevet à Gaoual, enfin le baccalauréat à Kindia au lycée 8 novembre. Cap sur Conakry à la fac de Donka. Il opte pour la Biochimie.

C’est précisément à la fac que sa passion de communicateur se matérialise. On ne renonce pas à un don. Après l’université, il y fait la rencontre des anciens journalistes du quotidien Horoya : Karamoko Bayo, Jean Soumaoro, Mody Sori Barry,… Ensemble, ils ressuscitent  le  « Foniké Magazine », un journal pour ados. Il s’occupe de la maquette et des illustrations. En 1990, il trouve une opportunité singulière de se perfectionner comme maquettiste. En rejoignant « La Nouvelle République », un pamphlet créé par l’ancien opposant Bâ Mamadou, Ben Barry prend ses premiers cours de Page Maker sur un Macintosh ! « Nous étions, mon ami Thierno  Aliou Diallo et moi, les tous premiers guinéens à être formés à la conception d’un journal avec un ordinateur en 1989-1990 », se souvient-il.

Son baptême de feu pour le montage de journal, il l’a accompli bien plus tôt. C’était en 1987 au sein de « Inter-Conakry », plaquette publicitaire de format A5 tenue par un franco-ivoirien, Yves Van-Ycoute.  « Nous montions le journal à la main », précise-t-il. Il signait ses dessins « Ben Barry ». Ensuite « Ben Oscar » deux ans plus tard dans « L’événement de Guinée », magazine économique fondé par un certain Boubacar Sankaréla Diallo et édité en Belgique.

La Nouvelle république où il fait la connaissance de Bah Lamine (BML), Diallo Souleymane et William Sassine est un tremplin pour la création du Lynx, premier journal satirique de Guinée. Il est lancé en 1992. Ben Youssouf Barry adopte définitivement le pseudo de « Oscar ». « D’où vient ce surnom de Oscar ? « Ce sont mes amis de la fac qui me l’ont trouvé. Ils disaient qu’ils ont trouvé leur Oscar en parlant de moi », m’explique-t-il.

Chaque lundi, il « croque » à travers son crayon les personnalités qui font l’actu en Guinée. « Fory Coco », le personnage de l’ex-Président Lansana Conté qu’il a inventé l’a rendu notamment célèbre. « Justement Oscar, une anecdote circule comme quoi le Président Conté a demandé un jour à voir celui qui le caricature de cette façon et tu as été convoqué… ». Il secoue la tête : « non, c’est très beau et bien dit mais ce n’est pas vrai. Il ne m’a jamais dit ça. Ni convoqué.  Par contre, lors d’une rencontre aux cases de Bellevue, il m’a lancé une blague en me demandant de lui reverser ses droits d’auteur car je me fais de l’argent sur sa tête, disait-il; sinon, il me fout en prison et retire ma femme… ». Mariam Sylla (Hadja), la mère de ses quatre enfants, sa « douce moitié » comme il l’appelle, est une Soussou (comme Conté) de Dubréka. Et si Oscar n’a pas été inquiété par Conté, il a fait « un peu de taule » en caricaturant Kadiatou Seth, la seconde épouse de celui-ci. Une routine pour les responsables du Lynx aux débuts du satirique.

Physique d’intello, personnage attachant Youssouf Ben Barry est un touche-à-tout. Dessinateur de presse, journaliste, infographiste licencié en PAO (publication assisté par ordinateur) et maintenant Directeur d’entreprise de publicité (BBG). Les rencontres, colloques internationaux, festivals de bandes dessinées, il est toujours invité. Adulé, ses amis s’appellent Jean Plantu (Cartooning for peace), Lassane Zohoré (Gbiss, Abidjan), TT Fons (Goorgoorlu, Dakar) et Najad (iconovox, Paris)…S’il regrette le manque de dessinateurs de presse en Guinée, il se réjouit à l’idée que ceux qui ont été à son école au Lynx sauront prendre la relève. Même si beaucoup de lecteurs ont du mal à se passer du « coup de crayon de Oscar ».

Oscar par Oscar

 

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Commentaires

Baskara
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Il est trop for ce monsieur .....
On ne peux refuser un donc .... mai faudrait - il qu'il enseigne cette prouesse encore plus
l'art nous libère .................

Mamadou Alimou SOW
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Oui Baskara, mais c'est ce qu'il fait comme il le dit à la fin de l'article. Plus d'une dizaine de stagiaires...

@legeekdusud
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Portrait trop bien dressé. Chapeau Lims!

jeogo
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je pense que c,est une bonne chose pour ton pays; un peu d'humour ne gache pas la sauce comme on dit.Au Togo, les caricaturistes sont en voie de disparition; pourtant c'était la mode dans les années 90.

Jean-Paul Amuri Lwesso
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Très bon portrait, Sow!
Notre cher caricaturiste doit aussi être heureux d'avoir trouvé
un président qui n'est pas gêné d'être caricaturé!!!