Parrain et marraine: ces gens qui se ruinent pour votre mariage

11 juillet 2012

Parrain et marraine: ces gens qui se ruinent pour votre mariage

Marraine en action - Crédit photo: Alimou Sow
Marraine en action – Crédit photo: Alimou Sow

Mon amie ne sait plus où donner de la tête. Elle est gênée aux entournures. Contrariée, embarrassée et même exaspérée. Ce soir, sa filleule et la famille de cette dernière lui ont téléphoné pour une ultime mise au point concernant les derniers détails des préparatifs du mariage. Elle est prise au piège. Celui qui, en ce moment, enserre des centaines d’hommes et surtout de femmes à travers les quatre coins de la Guinée. Mon amie a l’honneur d’être choisie pour être la marraine de l’une de ses connaissances pour le mariage de cette dernière.

Un malheur financier en réalité.

En ce mois finissant de Sha’bane, à quelques jours du début du Ramadan en Guinée, les femmes de chez nous ne sont que mariages. Elles en organisent, participent, préparent, financent, se marient. Les cérémonies sont légion. Les filles trouvent preneurs et partent comme de petits pains. Dans les mairies, les officiers de l’état civil ont les doigts couverts de callosités à force de signer  des actes de mariage. Les weekends, les villes, Labé et Conakry en tête, ne sont que parfum, paillettes, musique, vacarme, cortèges et embouteillages. Les femmes sont jolies, parées et parfumées.

Dans certains milieux, il est dit que celle qui ne trouve pas de mari ce mois-ci, aura été la cocue de l’année. C’est la traite. Les fiançailles se concrétisent, les familles se fondent à tour de bras en ce mois de Sha’bane, sans aucune explication rationnelle convaincante. Et à moins d’être un (e) Wahabia (musulman sunnite du courant wahabite), l’on ne se marie plus sans parrain et marraine. Ce serait trop villageois, trop ringard, moche, pas cool du tout. Ne pas avoir le «substitut du papa et de la maman» pour son mariage, serait manquer d’initiative, de goût, de tact. Et c’est là que se trompe Léga Bah.

Dans son morceau ä Bounguiraïmö, devenu tube de mariage, cette sulfureuse chanteuse qui fait du folklore peul un fonds de commerce, chante : «certains m’ont dit que la marraine c’est pour l’argent, j’ai rétorqué que la marraine c’est le substitut de la maman». Elle a tort ! Etre marraine par les temps qui courent, signifie être la vache à lait d’un mariage dans lequel on vous embarque à tout hasard. Et ce n’est pas mon amie contrariée qui me démentira.

Le coup de fil qu’elle a reçu ce soir l’a littéralement terrassée. En plus de la coiffure de la mariée, de la location et la décoration du véhicule du couple, on lui demande de louer la sono pour l’animation, ainsi que la tente qui abritera les deux tourtereaux le jour du mariage. Saison des pluies oblige. Tout langage diplomatique qui sied en pareille circonstance mis de côté, mon amie a répondu lapidairement mais sèchement : «je ne peux pas financier tout votre mariage». Elle vient déjà de claquer 150 euros, rien que pour sa parure à elle : sa tenue de marraine.

Un basin Bamako d’entrée de gamme (c’est la période de vaches maigres) brodé gros fils  à 400.000 GNF, une pochette de même couleur à 100.000 GNF, une espèce de bonnet à  étages pour 50.000 francs, un collier, des boucles d’oreille, des talons de 7cm pour compenser sa petite taille, dont le cumul est estimé à 250.000 francs. Sans parler de sa coiffure, de son maquillage formant une uniformité de couleurs, et surtout du montant (jamais moins de 100.000 GNF) qu’elle devra balancer en l’air le jour des noces quand les titres ä Bonguiraïmö ou encore Makalé de Tiranké Sidimé l’appelleront sur le piste. Là, elle devra faire une véritable démonstration de force. Prouver qu’elle n’est pas n’importe quelle marraine, qu’on ne peut pas se mesurer à elle en termes de beauté, mais surtout de générosité.

Contrairement aux autres, la marraine ne doit pas distribuer des «Alpha Condé» (coupures de 100 GNF ainsi appelées en référence à leur remise en circulation sous la présidence d’Alpha Condé). Ce serait insulter le public et faire preuve de mesquinerie. Pour elle, ce sera les «Kouyatés» (10.000 francs) qu’elle fera voltiger en l’air. Pourquoi pas les billets de 50, voire de 100 euros si vous êtes femme d’affaires ou si votre mari est un «diaspo» établi en Suisse. Ce sont ces marraines-là qui laissent des traces intemporelles, leur nom faisant vibrer les cordes vocales des artistes de tout poil à chaque cérémonie.

Si vous  êtes un petit fonctionnaire guinéen dont le salaire de misère est déjà dépensé avant même d’être perçu, et que, par une belle soirée au lit, votre épouse vous annonce qu’elle est choisie pour être marraine d’un mariage, pleurez toutes les larmes de votre corps. Vous êtes parti pour être entubé proprement. Invoquez quoi et qui vous voulez mais l’honneur de votre épouse-marraine ne sera pas bafoué. Vous allez tricher, voler, mentir, ou emprunter mais son honneur, sa dignité et sa célébrité seront gardés et célébrés. Une véritable saignée financière.

Aux origines du marrainage…

Ça commence par une visite d’apparence anodine d’une jeune fille que vous connaissez parfois à peine. Ça peut être la petite sœur d’une amie, une cousine ou une simple connaissance. Qui vient vous annoncer qu’elle vous a choisie pour être la marraine de son mariage. Pour vous «faire honneur». En réalité pour vous faire honnir si vous n’avez pas les moyens. Car ce sera à vous d’assurer sa coiffure, son maquillage et sa robe de mariage. Trois mots pour un prix qui peut permettre à un jeune diplômé chômeur de Conakry de lancer son affaire dans le commerce.

La coiffure et le maquillage, c’est-à-dire les deux opérations chimiques qui transformeront la boutonneuse du coin en Madonna version relookée, vont coûter au bas mot 1.500.000 francs. Priez pour qu’on ne vous colle pas la location de la sono, du caméraman et du  photographe. Car un mariage «marrainé», c’est surtout du bruit, de la photo et de la vidéo. Rien n’est laissé au hasard pour immortaliser ce moment unique.

Il y quelques années, la marraine était une belle femme censée conseiller sa filleule et assurer simplement le rôle de maman. Mais depuis que ces femmes ont commencé à se montrer généreuses, on a vite fait de faire évoluer la notion : de marraine, à bailleur de fonds. Même chose pour le parrain à des proportions moindres. Lui, se fringue juste en basin Bamako, le regard barré par une paire de Ray Band chinoises à la Dadis pour accompagner le mâle : le marié.

Alors si vous aimez votre femme avec qui vous vivez en harmonie, n’oubliez jamais la marraine qui s’est ruinée pour qu’elle soit chez vous hein. Parait quand même qu’il existe des mariages où parrain et marraine sont  entièrement financés par les fiancés pour jouer les figurants. Vous en connaissez, vous ?

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Commentaires

Michel THERA
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Eh Fiston tu décris là un phénomène qui se passe à Bamako à l'identique. Avec le terme "Basin Bamako", j'ai compris les "bazin" en provenance de Bamako sont les plus prisés. Les jeudis et les dimanches sont très chargés maintenant pour les maires à Bamako.