RFI, cuisine interne
« Quand tu arrives à RFI, on te fait avaler une horloge » me souffle Laurent Sadoux. L’homme d’Afrique Midi à la voix caverneuse, « une voix qui me fait un terrible effet » de l’avis d’une fidèle auditrice de Guinée, esquisse un sourire victorieux en sortant du studio 158 de la Maison de la Radio. Trente minutes, montre en… tripes, pour annoncer la tombée de Bani-Walid aux mains des combattants du CNT, le ralliement à Ellen Sirleaf de Prince Johnson, le charcutier de Samul Doe, le procès de Malick Noël Seck, le « pourfendeur » de la candidature du « Vieux » Wade, etc. Le tout entrecoupé de jingles, courtes pauses et petites pubs dosées à la seconde près.
A RFI Laurent Sadoux et Afrique Midi, c’est un peu comme du fonio et la sauce gombo. Ça va forcément ensemble. Difficile d’avaler l’un sans l’autre. Eh oui, j’ai toujours été frappé par l’image de ces vieux cultivateurs accrochés aux flancs d’une colline quelque part au Foutah Djallon (Guinée) prenant une pause pour écouter Afrique Midi sur un vieux transistor balançant au bout d’un rameau. « Afrique Midi, c’est doux avec Sadoux », poétisait l’un d’eux, devenu Laurent-dépendant.
C’est entendu que RFI est très écoutée en Guinée et en Afrique en général. C’est, de toute façon, le vivier de l’auditoire de la radio… Les voix de RFI résonnant dans l’habitacle d’une vieille Peugeot 505, dans un salon huppé, ou à l’intérieur d’une masure en palissade sont devenues familières. Combien de fois j’ai dormi à Labé, un poste radio chinois collé à l’oreille, avec le rythme de la voix d’Emmanuelle Bastide à l’époque de son émission l’Ecole des Savoirs ? Combien de jeunes filles sont tombées sous le charme du « Bonjour, très heureux de vous retrouver » guttural de Juan Gomez d’Appels sur l’actu ? Combien de patients trouvent du réconfort en écoutant simplement le générique de Priorité Santé que pilote délicatement Claire Hédon? Tiens, l’autre jour à sa sortie du studio, je l’ai appelée « Docteur » en assistant à son émission en compagnie de Docteur Catherine Solano qui anime la chronique que vous savez. Le lapsus était trop juste !
Et quand Mamane me malmène avec : « tu es Peulh du Foutah toi, vous ne pouvez pas le cacher», j’ai souri. Puisque physiquement, lui et moi, on a tellement des similitudes que je n’ai pas manqué de lui faire la remarque : «tiens Mamane, tu ressembles à un Peulh toi aussi ». Et il révèle : « c’est vrai, du côté de ma mère je suis Peulh ». Quoi qu’il en soit un Nigérien est un Peulh, morphologiquement…
A l’autre bout du monde sur un poste radio, un baladeur numérique ou un téléphone portable on n’entend que la voix de l’animateur à laquelle on finit par s’habituer. On ignore souvent qu’il y a tout une équipe derrière. En effet, de l’autre côté de la baie vitrée s’activent de petits diables incroyablement agiles. Dans leur jargon, ces virtuoses de la technique ne jurent que par console, mic, boutons, enregistrement, etc. J’ai même entendu une expression assez originale avec Didier Bleu de l’équipe de Priorité santé : « ça ré-pisse partout !». Traduisez : « il y a de l’écho partout ». Enfin, c’est ce que j’ai cru comprendre en entendant le crachotement discret que faisaient les haut-parleurs.
Au Service Afrique où « je stage » depuis un peu plus d’une semaine, tout est normal jusqu’à ce qu’un ponte de type Kadhafi décide de se faire capturer et massacrer. Alors là c’est le rush (ruée). Tous les journalistes deviennent des athlètes à forcer de sprinter entre le bureau et la cabine d’enregistrement des interviews. Hussein Bolt apparaitrait ainsi comme un piètre coureur devant les performances d’une Charlotte Idrac par exemple!
Je suis loin d’avoir tout découvert dans ces interminables labyrinthes circulaires de la Maison de la Radio qui abrite RFI. Henry Bernard, l’architecte de ce « véritable temple du monde de la radio en France » devait être payé au kilomètre des couloirs! Un bémol tout de même : après deux semaines de fréquentation, je m’y perds de moins en moins. CQFD !
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