Vivre à Conakry : mode d’emploi (suite)

10 décembre 2010

Vivre à Conakry : mode d’emploi (suite)

 
 

Banlieue de Conakry

« Conakry, c’est technique »

vous a-t-on dit. Après le précédent billet où j’ai abordé le problème du transport urbain, voyons comment, à Conakry, se comporter dans les lieux publics. Sans complaisance.

Au marché

Le plus grand marché de Conakry est incontestablement celui de Madina. Ici, clients, magasiniers, boutiquiers, vendeuses ambulantes à la criée et les impétueux Bana-Bana se côtoient quotidiennement dans une ambiance surchauffée. Du côté de Avaria, les vendeuses de chinoiseries, querelleuses à souhait, sont réputées avoir une langue de vipère. Demander combien coûte un article sans l’acheter peut vous valoir un méchant regard ou, pire, un nom d’oiseau. Tant pis, vous n’êtes pas le seul client. 

Mais les plus redoutables d’entre tous sont les Bana-Bana (débrouillards). Ils sont capables de vous revendre votre propre femme, à force d’arguments. Pourtant, ils ne possèdent aucune marchandise. Intermédiaires de commerce indélicats, ils pactisent avec les boutiquiers pour écouler leurs articles en quadruplant  les prix. Avant d’aller à Madina, tâchez de vous habiller modestement, d’abord pour la chaleur et les bousculades, ensuite parce qu’ils fixent souvent le prix sur la tête du client ! Prenez toujours le soin de diviser par quatre le prix proposé et de rester tenace. Cela ne vous garantit pas pour autant de ne pas être floué, à moins d’avoir une machine spéciale pour décoder leur langage crypté.

Dans les banques et cybercafés

Comme dans presque tous les services, c’est la queue. Pourtant comme dit l’adage, rien ne sert de courir, il faut partir à point.  Vous avez beau être matinal, le plus souvent vous n’êtes pas servi le premier. Injuste ? Ce que vous ne connaissez pas la combine.

Dans certaines agences bancaires, des tickets numérotés sont proposés. Vous tirez un, puis vous attendez patiemment l’appel de votre numéro. Mais si d’aventure quelqu’un venu après vous est appelé à la caisse avant votre numéro, ne vous offusquez pas. Une de ses « connaissances » arrivée plus tôt a tiré plus d’un ticket. Un secret : si vous entrez et trouvez du monde, décochez un large sourire à un homme posté dans un coin. Avec un peu de chance et d’amabilité, il vous refilera un ticket « lève tôt » ! A votre sortie refilez-lui un billet de banque pour que l’opération se répète la prochaine fois.

Dans les cybers bondés de Kaloum, des « gentlemen » tirés à quatre épingles se faisant passer pour des affairés peuvent vous proposer de leur laisser « juste 5 minutes » pour consulter leur mail, contre le ticket de 5 000 FG qu’ils tiennent en main. Si vous acceptez, il est utile de vérifier la validité du ticket. Souvent, c’est un « chèque sans provision ».

Dans la rue

Dans les rues populeuses de Conakry, les anecdotes et surprises ne manquent guère. Des langues fourchues affirment qu’il ne faut pas serrer la main de n’importe qui. Des hommes et femmes d’âge respectable, correctement habillés, sont passés maîtres dans l’art de l’imposture. Ils vous abordent, sacoche en main, avec des arguments du genre : « j’étais à un séminaire, au retour j’ai perdu tout mon argent. Aidez-moi à rentrer à la maison, je vous prie ». Pris de pitié, vous êtes parfois gêné de lui donner un petit montant, vu son allure.

On me l’a fait une fois. Un mois plus tard, au même endroit, le même type m’a abordé. Quand il a commencé à sortir son « séminaire », je l’ai envoyé paître ! Mais plus grave, on raconte souvent qu’après avoir donné quelque chose à un inconnu, celui-ci a réussi par un tour de magie d’envouter son bienfaiteur et de le dépouiller de tout son argent. Méfiance donc.

Méfiance aussi, lorsque que vous apercevez une grosse femme sortir péniblement d’un kiosque en bordure de route tenant une bassine d’eau. Vous risquez de prendre une douche à l’eau de vaisselle si vous ne vous écartez pas. La route se confond parfois au caniveau! 

L’humanisme serait-il ailleurs,  dans la maison de Dieu ?

Les lieux de culte

Le moins que l’on puisse dire, c’est que Conakry regorge de mosquées. A l’entrée de chacune, c’est marqué sur le mur ou sur une simple feuille de papier «Eteignez votre téléphone, sous peine d’une amende de 5 000FG ». Cependant, rares sont les prières qui s’achèvent sans qu’on entende le dernier de Akon ou de Takana dans la mosquée ! Personne n’a jamais payé d’amende. On se contente de blâmer. Cela se comprend, puisque éteindre les fameux téléphones « deux-puces », même dans la cour de la mosquée, revient à ameuter tout l’alentour ! En fait, beaucoup ne savent pas comment s’y prendre pour les mettre sous silencieux. Sacrés téléphones !

A côté de l’inscription concernant les téléphones on pourrait ajouter « prenez soin de vos chaussures », car il est fréquent de sortir de la mosquée et de chercher vainement vos mocassins achetés à prix d’or à Madina !  Le mieux c’est de les mettre dans un sac plastique et de prier à côté.

Dans les églises, on ne vole pas des chaussures. Puisque personne ne se déchausse. Par contre, à l’entrée, des frères bien « zango » demandent souvent une assistance financière pour un autre frère hospitalisé depuis belle lurette. Mon œil ! Pendant la messe, ayez une attention soutenue sur vos poches. Sinon un ange, emportera haut dans le ciel la dépense de madame et vos prières ! Alléluia.

Dans ce billet, comme dans le précédent, ce sont les aspects négatifs du quotidien des Conakrykas qui sont abordés. Il faut dire que ces faits se retrouvent un peu partout en Afrique, voire dans le monde. Aussi, il va sans dire que Conakry ne se résume pas à cette peinture caricaturale et qu’elle recèle bien de merveilles que j’éplucherai ici, sans doute !

Alimou Sow

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Commentaires

Marouane
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Très bon texte man !
Du courage dans tes écrits , j'attends avec impatience tes prochains textes !

SOW
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Très bien mon frère , car tu connais les différents maux que souffre les conakycas

Aliou DIALLO
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C'est vraiment la vie à Conakry. Et comme vous le dites M. SOW, cela cache des merveilles de ce beau pays.

Merci

Ka dy BAH
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Merci Alimou pour cet éclairage!
J'ai moi-même été victime ou témoin de divers travers que tu viens d'énumérer dans cet article et ce aussi bien en Guinée qu' en Côte d'Ivoire.
La prochaine fois que j'irai en Guinée, je serai bien avertie et j'essayerai de ne pas faire les frais de certains individus qui vivent au dépend de citoyens honnêtes.

Mamadou Alimou SOW
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Merci à tous! Bien Kady, surtout vigilance à partir de l'aéroport International Gbessia!

koyin
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Bonjour,
J'ai été content de t'écouter ce matin sur RFI. [...] je te souhaite une bonne journée.

FotéPorto
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Merci Alimou pour ce belle article qui reflète certains travers de Conakry, mais qui pourrai s'appliquer a beaucoup de villes sur la planète, et pas seulement en Afrique.
Effectivement, l’aéroport International de Gbessia est un repère de malfrat et de faux taxis maîtres qui attendent gentiment les pigeons en provenance de l'étranger, donc mieux vaut y être attendu que d'y débarquer à l'aveuglette.
D'ailleurs depuis quelques temps, la mode est de suivre en filature les nouveaux arrivant pour les dépouiller une fois chez eux.
C'est ce qu'ils ont tentés de faire avec moi à deux reprises. Manque de chance, connaissant le système, j'ai vite remarqué qu'on était suivit, et j'habite en face du commissariat. ;-) Je suis donc une proie a éviter sous penne de finir derrière les barreaux.

Bonne continuation Alimou.

Diallo sidighi
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Salut

Je t'ai écouté sur rfi et sans tarder je suis allé voir ton blog...Très beaux textes comme le disent les autres malgré la triste réalité que tu décris.. ce dernier est magnifique.

Au plaisir de te lire très prochaine

rachid
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tu nous a vraiment fait apprendre des choses tous en rigolant ! bravo 3elik

Juan
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Bonjour.
Je vais aller travailler à Conakry. j'ai beaucoup de doutes. Je vis dans les îles Canaries. Il est calme normalement. J'ai lu beaucoup de choses sur Conakry et il ya toujours deux versions. Le premier. Vous pouvez vous promener le long de douceur Conakry. Les gens sont très gentils, serviables et toujours avec le sourire. La seconde. Conakry est l'ouest sauvage. Des hommes armés entrent dans votre maison et de voler tout. Vous ne pouvez pas aller acheter le marché, parce qu'ils volent. Vous devez disposer d'un personnel de sécurité 24 heures à la maison, etc
Je vais travailler Matoto, mais ne peut pas trouver n'importe quelle information. Ce qui est vraiment épargner la vie d'un «blanc» en Guinée?
Merci.
Excuse me for Frech.....is google translator :)

Tania Muñoz
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bonjour M. Sow, pouriez vous traduire un peu l´expression "kiosque en bordure de route"

J´imagine un toillet, c´est ca?

merci

plart coulibali
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je crois ,que c'est une boutique de vendeurs ,les toilettes a part dans les gares routières ...

plart coulibali
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initié ! bonjour , j'ai vécu ,10 ans au Mali ,10 ans aux Comores ,je suis passé en guinée en 86 ,et j'ai beaucoup aimé le pays ,le forgeron qui travaillais avec moi au mali est guinéen ,je suis artiste et j'aimerais me poser en guinée d'ici deux ans ,pour m'ouvrir un atelier et travailer avec des artisans locaux !
je suis toubab mais peu de moyen ,a bamako je me logeais pour 100 000 fcfa dans une petite maison ,comment est la vie a conakry ,music ,maquis,ptit resto ?
merci bonne journée kan bu fo !