Guinée – La malédiction du sac plastique
Ça y est. Elle est là, la saison des pluies. Pas besoin de vous faire un dessin sur les grosses averses qui arrosent Conakry durant les 4 mois d’hivernage que nous connaissons. Et quand je dis averses, je ne parle pas de ces crachins au Sénégal qui provoquent pourtant régulièrement des inondations dans la banlieue de Dakar, déclenchant un vif émoi des Sénégalais qui se sahélisent jour après jour. Une seule de nos tornades, la moins puissante, réduirait leurs maisons en une boue torrentielle. Avec quatre mètres de pluie par an à Conakry et dans sa banlieue tentaculaire, ça ne rigole pas.
Notre capitale est donc habituée aux flottes déchainées. Tout comme aux montagnes d’immondices qui l’ensevelissent. La ville est si crade qu’elle se confond à une poubelle urbaine géante que même le commandant «Resco» Camara ne gouverne pas. Et quand la pluie tombe, il se passe un curieux phénomène de redistributions des ordures à la tête desquelles trône le fameux «forê sac» (sac plastique).
Le «forê sac» ! Le sac plastique est à la ville de Conakry, ce qu’est la hernie inguinale pour un homme : vilaine et gênante. Cette calamité pour l’environnement est aussi omniprésente dans notre capitale que les armées de mouches et de moustiques qui l’enserrent. La faune urbaine est complétée par les contingents de grenouille qui élisent domicile dans les flaques d’eau formant des chorales nocturnes pour rivaliser avec le raffut des chiens errants qui ont survécu au plan génocidaire de l’ancien ministre de l’Élevage, Mouctar Diallo.
Le sac plastique, lui, n’a aucun souci à se faire. Le ministre en charge de l’Energie et de l’Environnement (oui, ça existe), Papa Koly Kourouma, a d’autres chats à fouetter. Pas le temps de s’occuper de cet objet de quelques grammes dont on ne regarde plus comme un déchet. Un «forê sac», c’est un ami, un camarade, un valet qui vous aide à transporter de l’eau, du pain, du sucre, de la farine, des beignets et tout nouvel article. Bref un compagnon de tous les jours, en tout lieu. Un compagnon pour quelques heures, quelques minutes, voire de 10 secondes. Après, on s’en sépare le larguant dans la nature sans souci.
N’ayant aucun gite précis, le sac plastique n’a d’autre choix que d’errer au gré du vent et de l’eau. Il s’accroche aux branches des arbres, sur les toitures des maisons ou finit par se stratifier au sol auquel il adhère pour longtemps.
Je me demande ce qu’ont mes compatriotes à tout jeter, partout. Une gorgée d’eau d’un Coyahyé (eau de Coyah), l’emballage est balancé sur place. Une cannette, une bouteille d’eau vidées dans votre véhicule, pas la peine de se fatiguer, baissez la vitre et ouste ! Pareil pour les peaux de banane, d’orange et même pour les vomis qu’on emballe dans du sac plastique lors de longs et éreintants voyages en 505. Résultat : à Conakry et partout dans le pays, chaque centimètre carré du sol est une poubelle par excellence.
Sur la question, un ami m’a sorti une théorie empirique. Il m’a expliqué qu’avant l’envahissement de l’Afrique par ce maudit sac plastique, les gens vivaient en zones rurales où l’on a la manie de tout jeter par terre. Mais des objets biodégradables. Devenus citadins, ils garderaient cette fâcheuse seconde nature. Plus que sceptique, j’ai dit awa (d’accord) à l’ami.
Les ONG «vertes» ont beau expliquer les méfaits du sac plastique pour l’environnement, elles sont prises pour des illuminées en mal de programme. Allez raconter à un analphabète qu’un sac plastique de 5 grammes qui vaut 100 francs guinéens mettra100 ans pour se dégrader complètement, vous passerez pour le menteur le plus patenté du siècle.
Je me souviens qu’à Conakry, une de ces ONG avait installé des enseignes publicitaires au niveau des marchés pour encourager les femmes à utiliser un panier au lieu du sac plastique pour faire leurs courses. Au marché de La Tannerie, la plaque a fini par être arrachée pour agrandir le local !
Combat presque vain, depuis que des manufactures (Amacif, PREPAC) ont élu domicile dans la banlieue de Conakry pour nous ravitailler des sacs plastiques à la pelle. Avec les usines qui produisent et distribuent de l’eau minérale (CEG, Crystal, etc.) dans des sachets, la malédiction du sac plastique a définitivement pris forme en Guinée. Durablement.
Allô Greenpeace ?
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