CampusFrance ou le calvaire de l’étudiant guinéen !
Samedi 29 janvier 2011, esplanade du Centre Culturel Franco-guinéen à Conakry. Il est 12 heures. A l’entrée, une vingtaine de jeunes filles, la mine défaite et le regard perdu, s’abritent du cuisant soleil sous une bâche de fortune. Plus loin, devant une petite porte, sont agglutinés de jeunes gens, une chemise sous le bras. Certains sont là depuis 4 heures du matin. D’autres ont carrément passé la nuit devant la grille de l’entrée pour être les premiers sur la liste. Ils veulent tous déposer leur dossier et passer un entretien, avant la deadline fixé au 31 janvier.
Soudain, la tension monte. La porte s’ouvre et la minuscule salle où se déroulent les entretiens est envahie. Ceux-ci sont immédiatement interrompus et tout le monde est sommé de vider les lieux. Le temps de savourer l’agréable micro-climat qui règne à l’intérieur, les étudiants, la mort dans l’âme, sont obligés de sortir. Banal épisode d’une longue série de tracasseries que rencontrent les étudiants guinéens désireux de poursuivre leurs études supérieures en France.
En effet, entre décembre et fin juin de chaque année, le Centre Culturel Franco-guinéen devient la Mecque des élèves et étudiants. Il abrite l’Espace CampusFrance, étape obligatoire du circuit dans la recherche d’un visa étudiant pour la France. Mais, en amont, il y a une procédure dématérialisée consistant à s’inscrire sur un site (www.guinee.campusfrance.org) et y loger une foule d’informations personnelles, allant du cursus suivi, en passant par le CV, une photo numérique et moult motivations du postulant. Le site est réputé pour sa lenteur et sa complexité. De nombreux postulants se font aider par des habitués qui s’y sont maintes fois cassé les dents auparavant. Certains monnayent leur service, créant ainsi un petit marché saisonnier.
Se pose ensuite le problème de la constitution d’un dossier papier qu’il faut acheminer aux différentes écoles choisies par le candidat, moyennant un montant non remboursable de 70 €. Dans la foulée, le postulant passe un entretien pour, dit-on, « préciser ses motivations ». Selon que l’on s’est inscrit suivant la démarche dite DAP (Demande d’Amission Préalable), ou Hors-DAP, le candidat est soumis à un calendrier. C’est justement la modification inattendue de ce calendrier par les responsables de CampusFrance qui pousse les « DAPistes » à vouloir déposer leur dossier, coûte que coûte. Bonjour la pagaille, le trafic d’influence, les passe-droits et… l’humiliation.
Enfin, l’Ambassade. Etape ultime du processus en cas de sélection du postulant par une Université. Il faut constituer un autre dossier avec 50 € non remboursables, et une caution de 7000 € pour la première année d’études ! Pour obtenir cette somme de 7 000 €, on utilise tous les stratagèmes : oncles, tantes, cousins et cousines, etc., tous ceux qui sont susceptibles de donner un coup de main sont sollicités. Certains parents vont jusqu’à liquider l’unique parcelle de la famille.
Qu’il pleuve ou qu’il vente, chaque année ce sont ainsi des milliers de jeunes guinéens qui effectuent ce parcours du combattant dans la quête d’un visa étudiant pour la France, devenue un eldorado. Au passage, ils encaissent le mépris du personnel de CampusFrance qui parfois pète les plombs sous la pression. Au bout du compte, nombreux sont ceux qui déchantent, soit à cause du refus de l’Ambassade pour l’octroi du visa, ou tout simplement à cause de la non obtention d’une admission. D’autres, les plus « chanceux » et infiniment moins nombreux, voient leur rêve se briser sur les flancs des dures réalités de l’eldorado, une fois surplace. Et l’année suivante, le cycle recommence !
Alimou Sow
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