4 mai 2011

Conakry, la poubelle urbaine

Des détritus charriés par les eaux

« Après la pluie, c’est le beau temps ». « La pluie du matin réjouit le pèlerin ». Voilà le genre de dictons dont on n’entend jamais prononcer à Conakry. Après les premières averses, la capitale guinéenne, ex-« Perle de l’Afrique occidentale », offre une image propre à elle. Des montagnes d’ordures charriées par les eaux de ruissellement, des caniveaux bouchés, une odeur pestilentielle omniprésente….Bienvenue à Conakry, la poubelle urbaine.

Qu’est-ce qu’un caniveau ? Poser la question à un bambin de  Conakry, sa réponse est sans ambigüité : « c’est un trou où on jette les ordures » ! Ici, il existe un moyen à la fois expéditif et très simple de se débarrasser des déchets. Attendre la pluie et les balancer dans les eaux de ruissellement. Celles-ci se chargeront de les drainer dans les caniveaux avec l’espoir qu’ils flotteront, comme une bouteille vide, jusqu’en haute mer. En saison sèche, on se livre à la pyromanie. Les ordures sont accumulées à chaque coin de rue ou dans les concessions, puis brûlées dans la soirée. Ce qui, pendant cette période, donne à la ville l’aspect d’un volcan en activité avec cette fumée âcre qui pénètre les poumons et empêche de bien respirer.

Trente mille (30 000) tonnes (Service Public de Transport des Déchets, SPTD)! C’est la quantité de déchets produite quotidiennement par les quelques 2 160 000 personnes qui peuplent les cinq communes de la capitale guinéenne. Qu’est-ce qu’on en fait ? On les entrepose partout : dans la rue, dans les caniveaux, aux carrefours, en bordure de mer, sans bacs à bordures… Dans les marchés, comme à Matoto la plus grande commune, les détritus sont le lot quotidien des femmes. Elles achètent, vendent, se chamaillent, mangent et pataugent dedans tous les jours. Le tout dans une atmosphère quasi-irrespirable.

Avec 4 294 mm de pluie en moyenne par an, l’hivernage qui commence à s’installer est la saison de prédilection pour les mouches et moustiques qui prospèrent dans les flaques d’eau. Des rats, des chats, des souris, des chiens errants et des contingents entiers de grenouilles, orchestres, complètent la faune urbaine. Chaque année en saison de pluies, Conakry est frappée par des maladies diarrhéiques comme le choléra. La malaria elle, est devenue une pandémie banalisée à force de sévir !

Après une averse

Aucun plan d’assainissement, aucune politique de salubrité urbaine. Conakry est la seule capitale à ne pas en disposer. En toutes saisons, la ville est sale. Et l’on s’en fout. Du simple citoyen à l’élu local. La  ville garde – bizarrement – le statut de Gouvernorat, héritage colonial. Les Maires de commune et le Gouverneur initient ponctuellement des actions dérisoires et surtout pompeuses d’assainissement. La télévision nationale (RTG) est systématique mise à contribution à cet effet pour alimenter la propagande. Une pantalonnade dont les effets se diluent dans l’immensité de la saleté le lendemain même. Certains Gouverneurs, comme l’actuel – Sékou Resco Camara – ont parfois des idées très originales. Un week-end de septembre dernier, c’est lui qui a fait embarquer les déchets accumulés derrière le CHU de Donka (sur l’Autoroute) dans des taxis en circulation, chassant ainsi tous les passagers !

Face à l’incapacité des autorités à gérer la situation, de petites et moyennes entreprises (PME) privées tentent le coup du ramassage.  Beaucoup ne font pas long feu. Elles se cassent les dents sur les difficultés financières et finissent par mettre la clé sous le paillasson. Ce qui fait que ce n’est pas demain la vielle que Conakry retrouvera son image d’antan : Perle de l’Afrique occidentale.

 

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