La Guinée, terre de superstitions !

Une secousse tellurique de magnitude encore inconnue a ébranlé, samedi 20 juillet 2013 à 21H33, la capitale Conakry et une bonne partie de la Basse Guinée, jusqu’au Fouta oriental. Une secousse d’environ cinq secondes, suivie de deux répliques espacées de quelques minutes. Petite panique dans les concessions, mais aucun dégât, ni de blessé signalés pour le moment.
Ça, c’est ma version personnelle. Y’en a qui vous diront que la terre a tremblé pendant au moins cinq minutes et que tous les membres la famille ont dû soutenir le toit de la maison par la force de leurs bras pour l’empêcher de tomber…
Si la magnitude du séisme est encore inconnue, l’onde de choc produit sur Facebook doit être de 9,5 degrés sur l’échelle de Richter ! La petite secousse de Conakry a produit un vrai tremblement sur ce réseau social dont les Guinéens sont particulièrement friands.
Quelques secondes ont suffi pour que les murs soient inondés de messages annonçant la nouvelle ; et surtout les conséquences de celle-ci. Et c’est ce qui m’intéresse ici.
C’est connu : un tremblement de terre est loin d’être un fait anodin. Et quand celui-ci se produit en Guinée, il prend les couleurs nationales. Surtout le rouge, synonyme de sang, de catastrophe, de mort. Celle du grand Chef !
La secousse de ce samedi nuit n’a pas échappé à la règle. Passés la frayeur, les jurons et la réaffirmation de la foi en Dieu le Tout Puissant (qu’est ce que les gens sont pieux dans le malheur !), les interprétations ont suivi. Elles convergeaient toutes vers un épicentre convenu : un séisme est un signe prémonitoire infaillible de la mort d’un chef, du Grand Chef en l’occurrence. La rumeur a voyagé à la vitesse des SMS et appels téléphoniques ayant suivi la secousse.
Dans les quartiers de Conakry comme sur Facebook, les géophysiciens spécialistes des interprétations sismiques ont, en un temps deux mouvements, tracé un maléfique triangle équilatéral : le tremblement de terre du samedi, les affrontements interethniques de N’Zérékoré, et le fait que la fête l’Aïd-el Fitr qui marque la fin du mois de ramadan 2013 tombe un vendredi. La conclusion est sans appel : un grand quelqu’un va mourir cette année !
Les vieilles personnes, sur le visage desquelles on peut lire une certaine inquiétude, ont la certitude de cette issue maléfique. On les comprend quand on regard dans le rétroviseur.
Le 22 décembre 1983 un tremblement de terre de magnitude 6° a secoué la partie Nord-Ouest de la Guinée, notamment à Gaoual à 400 km de Conakry. 143 morts autour de l’épicentre situé dans la localité de Koumbia et d’énormes dégâts matériels avaient été enregistrés, les cases en banco s’étant effondrés comme un château de carte. La cata.
Je devais avoir deux ou trois ans à l’époque. Mais ce n’est que 18 ans plus tard, au lycée, que j’ai compris, et fini par admettre, que ce n’était pas la Terre entière qui avait tremblé en 1984 ! Car ceux qui avaient vécu cet épisode sismique en parlaient (en parlent encore) comme une apocalypse en y mettant des effets spéciaux à faire pâlir de jalousie les scénaristes du film Volcano !
Et le verdict tomba comme un couperet trois mois plus tard : le 26 mars 1984, le président de la République socialiste et Révolutionnaire de Guinée, Ahmed Sékou Touré, meurt aux Etats-Unis ! Les médecins de l’hôpital de Cleveland où il rendit l’âme concluent à une crise cardiaque. Les Guinéens, dans leur écrasante majorité, savaient que c’est le tremblement de terre de Koumbia qui avait eu raison du dictateur Sékou Touré. Ou, en tout cas, l’avait prédit.
Mon esprit cartésien cimenté par 17 ans de formation à l’école occidentale souffre assez souvent des superstitions de certains compatriotes. Récemment, une amie s’évertuait à me convaincre que sa copine a un mari de nuit qui l’habite et qui la fait délirer. Mon amie connait le nom du diable, ses intentions, ses capacités de nuisance, etc. Bref, ses moindres faits et gestes. Le tout, dans un monde métaphysique insaisissable pour moi.
Elle est autant convaincue de tenir la vérité sur l’origine des problèmes psychiques de sa copine, que moi de son immense erreur. Question de conviction.
Mais ceci n’est qu’un simple exemple de l’interminable série de signes annonciateurs de bonne ou de mauvaise nouvelles auxquels les Africains, les Guinéens en particulier, croient foncièrement : un oiseau qui chante une belle mélodie à l’orée du village signifie un ressortissant qui rentre de l’aventure ; un hibou qui ulule sur le toit d’une maison = un malheur proche ; une couronne se forme autour de la lune = un chef va mourir ; la paume de la main qui démange = signe d’un gain d’argent rapide (équivaut à rêver de caca) !
Vous avez dit superstition ?
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