Les petits cireurs de chaussures de Conakry

9 novembre 2010

Les petits cireurs de chaussures de Conakry

Il est 14 heures à Conakry. La chaleur devient accablante. C’est l’heure que choisit Abdoul Diallo pour prendre une sieste et reprendre son souffle. Il est sur pied depuis 6 heures du matin. Il profite pour manger un petit morceau de pain en guise de déjeuner. La caisse en bois qu’il porte habituellement en bandoulière et qui contient ses outils de cireur de chaussures, lui sert de tabouret pour la circonstance.

A seulement 14 ans, Abdoul est cireur de chaussures à Conakry depuis deux ans. Venu de la bourgade de Kakoni, dans la préfecture de Gaoual, il sillonne quotidiennement les quartiers de Kaloum à la recherche des clients. Son travail consiste à laver, cirer ou recoudre des chaussures. Il lui arrive de gagner 15 000 ou 20 000 francs guinéens par jour. Après avoir soutiré sa dépense journalière, il thésaurise le reste avec un seul rêve en tête : devenir « tablier » un jour. Pour dormir, ce jeune cireur passe la nuit dans le hall d’un département ministériel contre « un petit cadeau hebdomadaire » au gardien des lieux.

Comme Abdoul, ce sont des dizaines de jeunes Peulhs dont l’âge varie entre 9 et 17 ans, qui sont devenus cireurs de chaussures à Conakry. A la question de savoir d’où venez-vous, ils répondent invariablement « le Foutah » avec les préfectures de Gaoual, Télimélé et Mamou comme épicentres. Venus du village et déscolarisés, ils vivent de privation pour économiser et arrivent à envoyer régulièrement des petits présents aux parents. Souvent, ces cireurs s’équipent dès le début une tirelire qu’ils alimentent au jour le jour, pendant des années. En cassant cette tirelire, ils parviennent à remplir une table en articles divers, puis peu à peu se construisent une boutique pour, à la fin, la chance aidant, devenir importateurs ! De célèbres opérateurs économiques actuels comme Mamadou Aliou Barry, dit « Super Bobo », sont passés par là.

Aujourd’hui, le rêve du petit Abdoul, à l’instar de ses pairs, est de devenir un « Super Bobo » pour « envoyer ma mère à la Mecque et lui construire une villa », comme il le dit, entre deux bouchées de pain.

Alimou Sow

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Commentaires

Boukari Ouédraogo
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Par la grâce de Dieu, sa mère sera à la mecque

Lalatiana Rahariniaina
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Dois-je comprendre que ces enfants ne vont donc pas à l'école?

Que c'est mignon le rêve du petit! J'espère qu'il réussira.

Merci Sow pour l'article

Mamadou Alimou SOW
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Oui, la plupart d'entres eux ne vont pas à l'école, ou l'ont abandonnée! Cependant, certains profitent des vacances ou des petits congés pour cirer un peu, histoire d'arrondir les angles. merci.

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En afrique, lorsque tu trouve ta famille dans la misère ; très vite commence la débrouilladise donc gros courage à ce petit.

FotéPorto
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Merci Alimou pour cet incontournable tableau de Conakry.

Il me rappel un matin à Conteyah, le petit Mamadou Dyan Diallo, qui n'avait pas trouvé le bonheur ce jour là.
J'était au café "chez Aïcha", avec les habituées, le Doyen, Robert, le prof d'histoire et ses enfants... Et se petit cireur passe et repasse devant nous, agité, le regard hagard, serrant dans la main droite sa clavicule opposé, cherchant a pleurer mais sans y parvenir.
Je l'interpelle donc, il fait encore quelques vas et viens, puis, quand je lui lance "Mamadou hari hidé", il bloque, me regarde intrigué par le fait qu'un blanc lui parle poular, puis nous rejoins mécaniquement. Il parais toujours aussi traumatisé et perdu.
On lui demande ce qui ne vas pas, il n'arrive pas a nous répondre, ses lèvres s'agites, de petites larmes arrivent enfin au bord de ses yeux mais rien de plus.
On l'invite a prendre place, on lui offre un jus. Après quelques minutes, il peut enfin nous expliquer la cause de son malheur:
Quelques rues plus bas deux garçons l'avait appeler dans une ruelle entre deux concessions. Répondant à l'appel du client potentiel, il s'était retrouvé étranglé par l'un et totalement dépouillé de son gagne pain par l'autre.
Puis repoussé par les coups des bandits avais pris la fuite.
Ce jour là il a eu la chance de tombé sur nous, car a l'écoute de son récit, Aïcha a ramassé, dans la boutique de son café, tout ce qu'elle avais de boites de cirages et autres brosses a chaussures pour lui en faire cadeau et nous lui avons donné ce qu'il avais perdu Comme GNF en faisant le tour de nos poches.

Mais malheureusement, nombreux sont ceux qui n'auront pas cette chance.
J'espère qu'Albdoul et beaucoup d'autre, pourront réaliser leurs rêves.
Ces petits courageux le méritent.

Mamadou Alimou SOW
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Ces jeunes sont confrontés en effet à des multiples tracasseries et, au quotidien! Vous avez du reste FotéPorto, des belles anecdotes concernant la vie à Cky. Félicitations. Je vous invite à Continuer!

FotéPorto
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Merci Alimou,
C'est un plaisir de partager avec vous le quotidien de mon beau pays d'adoption.
M bimbi nani si Allah djabi. ;-)

diallo mamadou moustapha
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ces petits sont parmi les personnes les plus courageux de la guinnee c'est pourquoi ils arrivent le plus souvent a realiser leur reve je pri DIEU de benir la guinnee en l'octroyant un gouvernement qui se souci a l'avenir de ces enfants je te ALimou d'avoir publie cet article

Alseny bah
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A vrai dire, je te connaissais il y a encore un mois. C'est par le biais d'un ami(Abdoulaye Barry) que je suis parvenu a ton blog, mais je dois avouer que j'avais tord. car tu as une plume formidable.Il est 4h du matin, je somnole en lisant tes billets....