Qu’est-ce qu’un blogueur guinéen en 2018 ?
L’idée d’écrire ce billet m’est venue d’un constat étonnant: la méconnaissance du blog en Guinée, signe vraisemblable du déclin de cet outil de communication en vogue il y a peu. En dépit d’une blogosphère locale potentiellement riche – on le verra – je me suis aperçu que le grand public a une définition erronée de la notion de « blog » et de ses dérivés (blogueur, blogging, blogosphère, etc.).
La vérité a éclaté au grand jour ce vendredi 31 aout à l’occasion de la Journée mondiale du blog, un évènement non célébré en Guinée. Chaque année, c’est le même rituel : un internaute avisé donne l’alerte sur les réseaux sociaux, souvent le jour « J », puis s’en suivent quelques messages de compliments adressés aux blogueurs les plus connus lesquels sont ensuite sollicités pour deux ou trois interviews dans la presse. Basta !
Même chose cette année, avec une toute petite particularité. Sur Facebook, quelqu’un a eu l’idée de demander à ses amis de mentionner leurs blogueurs ou blogueuses préféré.e.s., une invite reprise par quelques autres personnes. C’est en lisant les commentaires de ces publications que j’ai constaté le problème. On citait certes des blogueurs reconnus, mais dans la majorité des cas ce sont surtout des personnes exclusivement actives et suivies sur Facebook qui étaient mentionnées. Sans leur blog, évidemment. Ces personnes n’ont pas boudé leur plaisir, répondant avec des « mercis » appuyés, enrobés de plusieurs couches de fausse modestie. Qui va se négliger ?
D’où ma question: qu’est-ce qu’un blogueur guinéen en 2018 ?
Avant d’essayer d’y répondre, voyons ce qu’est un blogueur tout court, un mot dérivé de l’anglais « blog » lui-même résultant de la contraction de deux mots anglais « web » (toile d’araignée) et « log » (journal). Littéralement, un blog est un journal personnel en ligne.
Plus prosaïquement, il s’agit d’un site internet individuel sur lequel une personne (rarement deux), le blogueur/ la blogueuse, exprime son opinion en utilisant l’un ou la combinaison de plusieurs de ces types de contenus: texte, son, photo, vidéo, caricature, animation. Selon cette définition, le blog a un nom et une adresse URL hébergée sur une plateforme de création de blogs telle que wordpress.com.
Le fait que les internautes aient assimilé les leaders d’opinion sur Facebook à des blogueurs au sens premier du terme, est révélateur de plusieurs constats :
Premièrement, les blogueurs guinéens sont devenus plus nombreux mais moins actifs
Théoriquement, la blogosphère guinéenne est riche de plusieurs dizaines de blogs, mais en cet été 2018 c’est une petite dizaine qui est plus ou moins active (voir liste ci-dessous). Pourtant, la très célèbre Association des blogueurs de Guinée (Ablogui) existe depuis 2011 et regroupe aujourd’hui plus d’une soixantaine de membres. Paradoxalement, ces derniers sont sont moins productifs en termes de contenus personnels. Même si l’Association, elle, continue non seulement à former de nouveaux membres, mais surtout à mener des campagnes digitales de mobilisation citoyenne (#DoitALidentité, #MontronsNosRoutes) et à exécuter des projets de suivi citoyen de la démocratie (Guinée Vote à la présidentielle de 2015 ou LAHIDI encore en cours).
Peut-être que ceci explique cela. A force d’évoluer dans ce cadre très formel, les « abloguinéens » ont oublié leur raison d’être : produire et partager régulièrement du contenu. Bref, la mère poule a piétiné ses poussins.
Deuxièmement, l’étoile du blog pâlit
Ce relâchement des blogueurs guinéens s’inscrit dans une tendance africaine voire mondiale. En 2018, le blog non professionnel semble ne plus avoir le vent en poupe comme il y a cinq ans. Les réseaux sociaux sont en train de prendre l’ascendant sur cette activité qui a connu ses lettres de noblesse, en tout cas dans la sphère francophone, avec le projet Mondoblog de RFI qui héberge le blog que vous lisez et plus de 600 autres. Ce projet a formé plusieurs centaines de blogueurs en Afrique et à travers le monde et a permis de révéler de nombreux talents. Mais force est de constater qu’en 2018, la plateforme n’a plus sa force de frappe de 2013-2016 par exemple.
De nouvelles pratiques sur les réseaux sont donc en train de ravir la vedette au blogging, et c’est là que la confusion des internautes guinéens dans la définition du blogueur trouve tout son sens. Pour eux, le blogueur c’est celui ou celle qui est actif notamment sur Facebook dont le profil a atteint la limite de 5 000 amis, qui est suivi par plusieurs centaines d’autres et qui fait des publication intéressantes, soit par la qualité de l’écriture, soit par son humour, sa provocation, ou le sujet abordé (généralement politique).
Mais quel est le statut de ces personnes et comment peut-on les appeler ? Nous avons vu plus haut que ce ne sont pas de blogueurs au sens de la définition du blog. Alors s’agit-il des influenceurs ? Possible.
Mais selon les spécialistes, est considéré comme influenceur un internaute suivi par plusieurs dizaines de milliers de personnes (généralement plus de 50 000) et dont l’opinion est susceptible d’influencer la décision de ses abonnés.
On retrouve les influenceurs sur la plupart des plateformes: ce sont les Youtubeurs, les Instagrameurs, les Twittos, les Facebookeurs (Pages) mais aussi les… blogueurs. Leur influence se définit par rapport au nombre de leurs abonnés mais également grâce à leur capacité (intelligence, talent) de mobilisation, d’orientation et de conseil. Dans ce cadre, les célébrités (sports, cinéma, musique) et les personnalités du monde politique et institutionnel sont considérées comme des influenceurs, mais sont à classer dans un autre registre.
Dans la majorité des cas, les « Facebookeurs » guinéens sont des leaders d’opinion à minima mais on peut difficilement les hisser sur le même piédestal que les vrais influenceurs à 100 000 abonnés. Parce qu’en général ils sont actifs à travers des profils de quelque 5 000 amis et autant d’abonnés, tout au plus, et non pas sur des Pages Facebook dédiées où la possibilité d’abonnements est illimitée. Ce sont en réalité des animateurs de débats, en majorité de la controverse politique.
Malheureusement, les publications de ces profils et les commentaires qu’ils suscitent revêtent un caractère éphémère et volatile. Contrairement à un blog où les billets sont archivés et classées de manière antéchronologique, les publications sur les réseaux sociaux sont difficiles à retrouver et à exploiter, étant ensevelies sous d’épaisses couches de magma de contenus d’un volcan en éruption continue. La différence réside donc plus sur l’outil de communication utilisé que sur la capacité intellectuelle, et dans une moindre mesure technique, du producteur de contenu.
Alors, je repose la question autrement : le blogueur guinéen de 2018, est-il ce Facebookeur micro-influenceur ? Je vous laisse cogiter. En attendant, voici une liste de blogueuses et de blogueurs compatriotes plus ou moins actifs de mon point de vue. Cerise sur le gâteau, la plupart de ces blogs sont tenus par des filles ou de jeunes mamans. Si j’ai omis certains blogs actifs, prière de les mentionner dans les commentaires. C’est à vous.
Blogs plutôt actifs
Ma passion de Hafsatou Abbass Bah, jeune étudiante en licence 1 économie et gestion au Maroc. Sur son blog, elle parle d’elle, de sa formation et de ses préoccupations sur son développement personnel et sur l’avenir de son pays, la Guinée.
De vous à moi de Dieretou Diallo. Dieretou n’est plus à présenter, tant elle est connue dans la blogosphère africaine notamment pour sa plume. Initiatrice du mouvement « Guinéenne du 21ème siècle », cette diplômée en communication a plus d’une corde à son arc.
La voix citoyenne d’Adama Hawa Sow, jeune ingénieure en réseaux et télécommunications, experte en cartographie. Elle scrute au scalpel les tares de la société guinéenne.
Miia’s secrets de Mariam Diallo, son statut de jeune maman ne l’empêche pas de poursuivre ses études de master en marketing et communication au Maroc mais aussi d’animer son joli blog. Mariam y aborde essentiellement le thème de développement personnel qui la passionne.
Woman With Positive Attitude de Toulaye Diallo, jeune maman, journaliste et activiste féministe sur les bords. Bien que son blog porte le nom évocateur de « Positive attitude », il n’en demeure pas moins un exutoire pour la bouillante Toulaye quand les crises politiques endémiques du pays l’horripilent.
Alpha Oumar Baldé (doudou) d’Alpha Oumar Baldé: ce mondoblogueur se présente comme étudiant en médecine et blogueur y compris pour le projet la Voix des Jeunes de l’Unicef ( LVDJ-UNICEF). Les questions environnementales et de santé sont ces principaux centres d’intérêt.
L’Autre Guinée d’Ousmane Tonkara, à la fois rappeur, journaliste, guide de musée, ce blogueur s’intéresse notamment aux questions de culture et de tradition, en toute logique.
Esprit jeune de Mamadou Mouslim Diallo, diplômé en réseaux et télécommunication, cet autre mondoblogueur s’intéresse aux question de jeunesse et la migration irrégulière.
Africa224 de Fatoumata Chérif. Communicante professionnelle, passionnée d’environnement, cette blogueuse est surtout connue pour avoir créé le concept #SelfieDéchets, connu et copié un peu partout sur le continent. Elle est également observatrice pour pour les Observateurs de France 24.
Somboryinfos d’Elizabeth Guilavogui, l’auteure de ce blog semble utiliser un nom d’emprunt. Le style d’écriture ressemble à s’y méprendre à celui utilisé sur le site satirique guinéen Guinée Décalée dont la promotrice est une journaliste pleine d’humour…
Blogs célèbres mais moins actifs
- Rivières du sud (Thierno Diallo)
- L’autre Guinée (Sally Bilaly Sow)
- Le corbeau (Abdoulaye Oumou Sow)
- Guinée 50 (Fodé Sanikayi Kouyaté)
- Le blog de Tafsir Baldé (Tafsir Baldé)
- Rebelle et humble (Ibrahima Kalil Diakité)
- Le Guinéen lambda (Alfa Diallo)
- La porte du bercail (Ousmane Tanou Diallo)
- Propos et à propos (Lamine Nabé)
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