Comment se prémunir contre le vol de téléphones et autres objets personnels
Deux maux ont, hélas, rendu Conakry très célèbre : l’insalubrité et les embouteillages. Mais « jamais deux sans trois » dit le proverbe. Alors la délinquance urbaine est venue compléter le trio de principales tares qui étranglent ma capitale.
Toutes les grandes villes sont certes en proie à la criminalité urbaine, à des degrés différents. Mais malheureusement Conakry est victime de lynchage vu le nombre de maux.
Livrés au chômage endémique et à l’oisiveté, beaucoup de jeunes gens ont emprunté les voies dangereuses de l’argent facile: jeux de hasard, petit trafic et vol à la tire.
Il ne se passe pas un jour sans qu’une personne ne se fasse chiper son téléphone portable dans les transports, dans la rue ou au marché, des lieux publics où sévissent en toute liberté de petits voleurs de tout poil.
Des déclarations de vol sur les réseaux sociaux
Et vous savez où les victimes se dépêchent pour faire leur déclaration de perte ou de vol ? Facebook, évidemment.
Preuve de l’ampleur du phénomène du vol à la sauvette, je ne compte plus le nombre de publications qui fleurissent sur les Murs d’amis annonçant la perte ou le vol de leurs objets personnels. Le ton des « satuts » Facebook et les commentaires qui suivent (parfois hypocrites) varie entre la résignation, « Dieu les punira un jour, ma chérie », l’insulte, « ce sont des maudits, ces bâtards » et le fatalisme ambiant, « la Guinée est foutue à jamais« .
J’ai été moi-même victime à deux reprises de vol de téléphone (mais ici, le proverbe ment: il y a bien deux sans trois… enfin je l’espère…). Moi aussi, j’avais dit que mes voleurs étaient des « maudits », des « connards », des « sans cœurs ». Mais cela n’avait pas permis de ramener mes téléphones. Alors que faire ?
Le mieux c’est essayer de tout faire pour ne pas que ça arrive. Et si ça arrive, il existe tout de même quelques solutions. Ci-dessous, je reviens sur les procédés les plus couramment utilisés par les larrons et propose des conseils pour s’en prémunir. Sans prétention d’expertise, aucune.
Au marché et dans la rue
Les marchés sont les lieux de prédilection pour le vol à la tire à Conakry. Les voleurs profitent de la cohue pour subtiliser les objets personnels des clients à leur insu. Dans ce cas de figure, Madina, le plus grand marché de Conakry et du pays, est un cas d’école. Ils utilisent, au choix :
- Le pick-pocket: c’est un classique. Le voleur se mêle à la foule pour vous faire les poches. Il peut tenter sa chance en piochant au hasard, sans distinction de proies. C’est un peu comme la pêche à la ligne : il jette son hameçon, c’est à qui mordra à l’appât. C’est un vol généralement silencieux dont la victime ne se rend compte que bien plus tard. Ni vu, ni connu. Ce procédé peut également être employé avec ciblage de la victime jugée « vulnérable ». Il peut être employé ou non avec la filature.
- Conseil : Ne jamais mettre son argent ou un objet de valeur dans une poche ouverte ou arrière. Préférer les poches avec fermeture à glissière et surtout les poches intérieures si vous portez une veste.
- La « césarienne » : c’est une opération à cœur ouvert dont les dames porteuses de sac sont souvent victimes à Madina. Le voleur muni d’une lame déchire le sac en le « césarisant » par le bas. Il n’a plus qu’à suivre la victime pour ramasser les objets qui tombent du sac éventré.
- Conseil : Ne jamais porter son sac à dos …au dos ou en bandoulière. Il faut toujours le mettre sur le ventre. Pour les dames, éviter si possible de se promener à Madina avec un sac de luxe. Il attire l’attention et vous risquez non seulement de le perdre mais aussi son contenu.
- Le vol à l’arrachée : le voleur repère l’objet à dérober. Il profite de l’inattention de sa proie pour l’arracher de force et détaler. Ce procédé est de moins en moins utilisé dans les marchés depuis que les voleurs attrapés sont systématiquement lynchés et brulés vifs. Crier « Mougné tii » au marché équivaut à une mise au mort quasi-certaine. Du coup, c’est généralement dans les transports et dans les rues sombres des quartiers qu’il est employé. Ce type de vol est parfois suivi de violence, le voleur ayant peur de ne pas réussir son coup ou de rencontrer de la résistance. Les femmes et les jeunes gens sont des proies prisées.
- Conseils : ne pas exhiber son téléphone dans un endroit isolé et peu sûr. Si vous êtes obligés de téléphoner en pareil endroit, mieux vaut le faire arrêté et non pas en marchant. Dans ce cas, se tenir contre un mur ou un poteau, le téléphone du côté de l’obstacle pour minimiser les risques. En cas de vol à l’arrachée, ne surtout pas opposer de la résistance ou poursuivre son voleur. Votre vie est nettement plus précieuse qu’un objet, quelle que soit sa valeur.
Dans les transports
Les transports constituent également un terrain propice pour la commission des larcins à Conakry.
- Le vol à l’embarquement : tout le monde pâtit de la crise de transports en commun dans notre capitale. Aux heures de pointe c’est la guerre pour s’embarquer dans les fameux taxis jaunes, les immortels Magbana et les rares bus en circulation. Mais tout le monde n’est pas voyageur. Les voleurs profitent des mêlées dignes d’une partie de rugby pour arracher les téléphones portables. Le long de l’autoroute à Madina (encore là), les ronds-points de Cosa, Matoto ou de Bambéto sont des endroits tristement célèbres pour ce procédé.
- Conseils : placer son téléphone en lieu sûr ou le tenir fermement dans la main. Ne jamais relâcher son attention sur ses biens dans les endroits bondés comme les arrêts de bus. Surveiller particulièrement ses poches, en y mettant si possible ses propres mains.
- Le vol à la détourne : C’est un type de vol de plus en plus usité vu le nombre de victimes. Le procédé est simple : détourner votre attention pour vous voler. Ça se passe généralement dans les embouteillages ou lorsque vous êtes en stationnement. C’est un vol qui se fait avec au moins deux malfaiteurs. Un violent coup à l’arrière de votre véhicule, le temps de tourner la tête pour voir ce qui se passe, vos téléphones posés sur le tableau de bord se sont volatilisés. Quelquefois on vous informe faussement que vous avez une crevaison. Vous descendez voir. La minute suivante votre sac est parti. Au revoir iPhone !
- Conseils : Toujours garder les portières de son véhicule verrouillées, les vitres montées (il est temps d’avoir une voiture climatisée si ce n’est pas le cas). Lorsqu’on cogne votre voiture ou dit que vous avez une crevaison pensez d’abord à vos biens à l’intérieur : téléphone, montre, sac, etc. Ce sont eux qui sont en danger. Ensuite prenez le temps de bien vous garer. Entre temps vous aurez attiré l’attention d’autres passants.
- Vol à l’arrachée : ici le ou les voleurs se déplacent en moto. En général, ils ciblent leur victime qu’ils peuvent prendre en filature jusqu’à l’endroit le plus propice avant d’arracher son sac et s’enfuir. De par le passé, beaucoup de cambistes qui commettaient l’imprudence de transporter du cash en rentrant à la maison ont fait les frais de ce type de vol. Quelque fois, il s’agit d’un seul voleur. Il cible les femmes ayant plusieurs bagages qui font de l’auto-stop. Il propose à la victime de mettre ses bagages devant lui. C’est au moment où celle-ci s’apprête à monter derrière qu’il met les gaz et disparait.
- Conseils : porter son sac sur le ventre et le tenir fermement en toute circonstance. En cas de « stop », ne jamais accepter la proposition d’un motard inconnu de mettre son bagage devant lui. Il vaut mieux payer cher un « déplacement » ou rentrer tard, mais avec tous ses bagages, que de perdre ceux-ci par soucis d’économie ou d’impatience.
Précautions générales à prendre
Dans la rue, comme à la maison, il vaut toujours mieux observer un minimum de mesures de sécurité. L’une de celles-ci consiste à être prudent et à se méfier des inconnus.
Quand on possède un Smartphone, la sagesse voudrait qu’on enregistre systématiquement ses contacts sur son compte Google (à travers son Gmail), et non sur le répertoire du téléphone, (en cas de perte ou de vol, vous pourrez récupérer au moins vos contacts), de le verrouiller, d’activer la traçabilité et de noter quelque part le numéro IMEI grâce auquel on peut tracer le téléphone et le retrouver éventuellement en cas de vol ou de perte. On peut également sauvegarder ses données (photos, vidéos, docs) dans le cloud (Dropbox, etc.).
Enfin, il existe une solution sûre à 100% pour éviter de se faire voler son téléphone dernier cri au marché Madina: il ne faut pas l’y amener si vous n’êtes pas un habitué des lieux !
Quand on a le dernier iPhone ou le dernier-né des Galaxy, il est préférable de transférer sa carte SIM sur un petit téléphone ordinaire le temps d’une course dans ce marché.
Quelques solutions en cas de vol
On a beau être prudent ou précautionneux. Un jour, on peut tomber dans le filet des voleurs. Alors en cas de perte ou de vol de votre téléphone, que faut-il faire ?
Certes, les chances de retrouver un téléphone perdu ou volé à Conakry sont extrêmement minces. Ce n’est pas demain la veille qu’on ouvrira ici un comptoir pour les biens « perdus – retrouvés ». Mais il existe tout de même quelques pistes à creuser pour essayer de retrouver son bien.
- Faire une déclaration officielle de vol: Pas sur Facebook. Enfin, pas uniquement. Je sais, depuis le début de la lecture de cet article, vous vous demandez quel est le rôle des services de sécurité pour lutter contre ce phénomène de vol à la tire. La réponse est claire : il est invisible ! Les petits voleurs agissent en toute impunité, parfois au nez et à la barbe de certains agents de sécurité. Pourtant, il est tellement facile de tendre un guet-apens pour cueillir tous ces petits morveux qui font pleurer nos sœurs et nos mères à Madina…
Je disais que l’on peut cependant faire une déclaration de vol à la Gendarmerie et surtout à la Police. Si vous ouvrez votre poche, celle-ci peut ouvrir une enquête en collaboration avec l’Autorité de Régulation des Postes et Télécommunications, en lien avec les Opérateurs de téléphonie, afin de retrouver votre téléphone. Plusieurs exemples de succès me sont rapportés même si la procédure peut durer des mois. Si par malheur vous ne retrouvez pas votre téléphone, vous aurez au moins contribué à alimenter les statistiques de vols à Conakry…
- Mener sa propre enquête : cela parait utopique mais lorsqu’on est audacieux on peut tout à fait retrouver son téléphone volé en enquêtant soi-même. Mais, je le répète, il faut de la niaque et beaucoup de baraka.
En avril 2015, à quelques jours de mon mariage, j’ai été victime de vol de mon téléphone à Madina par le procédé de la détourne. « Boum, boum, boum » à l’arrière de la voiture, je sors la tête voir, un mec vilain comme la mort m’insulte. C’est au moment de me remettre de mon émotion colérique que je me rends compte que mon téléphone s’est volatilisé. Le téléphone de quelqu’un qui se marie dans moins d’une semaine… La cata !
Je fonce directement au lieu-dit « Bordeaux » à Madina. Un petit attroupement. Je compte : un, deux, trois, quatre, cinq grands gaillards au regard vitreux. Je n’ai pas de mal à reconnaitre mon téléphone…. en pièces détachées. Le voleur du téléphone était en train de le bazarder à ses comparses. Je m’adresse à celui qui a la gueule du chef de gang et déclare que c’est mon téléphone. Pris la main dans le sac, ils reconnaissent que c’est un téléphone volé mais exigent une « rançon » fixée à 100 000 GNF pour le rendre. Je négocie et rachète finalement mon propre téléphone, que j’avais il y a à peine 20 minutes, à 30 000 francs…
Je connais également un ami qui a passé toute la journée à enquêter sur le vol de son téléphone à Madina et qui a fini par le retrouver à « Khossébaria », sur la plage située derrière le pont 8 novembre à l’entrée de la commune de Kaloum.
Certes des cas exceptionnels mais qui montrent que c’est bien possible. Si vous connaissez des victimes ou vous-même avez été victime du vol à la tire, laissez-nous un commentaire ci-dessous.
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