Mamadou Alimou SOW

Ciculer à Conakry, mode d’emploi

36 km de tôles ondulées étalées sur  une presqu’île divisée en cinq Communes pour environ trois millions d’âmes. C’est Conakry, capitale de la République de Guinée. A l’ombre des manguiers, autour d’un thé, si vous tendez l’oreille vous entendrez les jeunes diplômés sans emploi dire « Conakry, c’est technique ». Et comment !

En effet, pour vivre ici à défaut d’être « technicien », il est important de connaître un certain nombre de codes. Dans ce premier billet, pour ne pas être trop ennuyeux, je vais aborder le transport urbain. Il y a trois modes principalement : les fameux taxis jaunes, les éternels « Magbana » et les imprévisibles bus ou « Gouvernement de large Consensus », pour les initiés.

Les taxis jaunes sont omniprésents dans la ville. Le nombre de passagers est limité à cinq (5) avec port obligatoire de la ceinture pour le conducteur. Mais ce dernier passe outre et embarque six personnes dont deux en « place escroc ». Pour la ceinture de sécurité, c’est à la vue d’un agent de police qu’il se sangle d’une espèce de corde qui n’est souvent attachée nulle part. C’est pour éviter la contravention avec la police ou la fessée, avec les gendarmes !

Pourtant, c’es le « luxe » avec ces taxis. Ils sont réputés être rapides, puisque leurs conducteurs s’en foutent du code de la route. Pour les emprunter aux heures de pointe, il faut être à la fois athlète pour les rattraper, bagarreur pour monter et…menteur pour bouger ! Pas la peine de demander au « taximaître » où il s’arrête si vous prenez la route « Le Prince » ou « l’Autoroute », les deux principales artères de Conakry. Parce que vous avez peu de chance qu’il vous réponde, et s’il répond, c’est généralement pour mentir ! En fait, la ville est divisée officiellement en « tronçons » de 1000 FG. Souvent, les « taximaîtres » utilisent une combine consistant à dire qu’ils se limitent au milieu ou à la fin d’un « tronçon », pour pouvoir embarquer d’autres personnes et gagner doublement. Si vous partez de Sangoyah pour « En Ville » (Kaloum)  et que le chauffeur vous dit qu’il s’arrête à l’Aéroport, n’hésitez pas à monter. Dans 90% des cas il continuera En Ville !

Pour les cars Hiace, appelés « Magbana », n’y songez pas si vous tenez à votre toilette ou êtes cardiaque. Ce sont des véritables épaves roulantes. Les gens s’y entassent comme des sardines, sur des bancs de fortune dans une  chaleur torride. Le nombre de places est fonction de la taille des fesses des passagers. Amortisseurs, ventilateur, climatiseur, rétroviseurs, sont des termes étranges ici. Par contre, les arrêts sont désignés par des mots poétiques tels que : « Contener », « Caléfour », « Manguébounyi », « Cirage », « Célibataire »…Si vous avez l’audace de monter, écoutez attentivement l’apprenti et apprenez bien à crier « Ä Göröma » pour signaler que vous descendez. L’apprenti reste le seul contact avec le monde extérieur. Le transport est moins cher, mais vous serez tout courbaturé et sentant le poisson à l’arrivée !

Quant aux bus « Kouyaté » encore appelés « Gouvernement de large consensus » en référence à l’ancien PM Lansana Kouyaté qui les avait fait venir en 2007 quand il dirigeait le Gouvernement de large consensus,  il faut être matinal pour y trouver une place assise. Les grèves multiples du personnel font qu’ils sont aussi imprévisibles que la météo. Les élèves et étudiants payent une modique somme, les militaires sont exemptés. Du coup, y a souvent des palabres entre contrôleurs et des quinquagénaires se réclamant élèves, carte à la main. Pour les militaires, s’ils montent armés, mieux vaut leur céder la place assise que vous occupez avant qu’ils ne l’exigent !

Si tout ce qui précède vous rebute et que vous choisissez de circuler dans votre voiture personnelle, prenez garde. Vous avez beau avoir tous les documents nécessaires, les policiers vous diront : « c’est pas papiers que nous  mangeons » ! Ayez donc quelques billets de banque en poche,  ça résout plus facilement les éventuels pépins. La nuit, devant un barrage tenu par les militaires, méfiez-vous de parler dans un français « académique » ; ils ont horreur. Si vous doutez, demandez aux étudiants guinéens. En cas  de souci, employez fréquemment l’expression «  pardon chef » ou trouvez un grade supérieur pour votre vis-à-vis, sauf celui de « Général ». Cela apparaîtrait comme une foutaise évidente. N’oubliez surtout pas les fameux billets de banque. Mais avec les militaires, le compte commence à partir de 10 000FG.

Les auto-stops ne sont plus pratiqués ici depuis que les bandits s’y sont mêlés. Pas la peine d’essayer, si on ne vous connait pas c’est peine perdue. Et si par miracle on s’arrête, cela peut être suspect. Les jeunes femmes à la tenue légère n’ont en tout cas aucune chance avec les personnes âgées. Plein de vieux se sont retrouvés dans l’embarras ces dernières années en prenant une « go » qui, à la descente, crie au secours pour « non payement de la passe » !

Conakry, c’est vraiment technique. Pour en savoir davantage rendez-vous au prochain article où nous verrons comment se comporter dans les lieux publics : marché, banque, cyber, la rue et…les lieux de culte.

Alimou Sow


Labé : Les mariées du….téléphone !

Téléphoniquement-vôtre!

Appelons la Aïssatou. La vingtaine, bonne mine elle est mariée voilà trois ans. Comme très souvent, Aïssatou est dans une toilette impeccable. Basin « Bamako » ou décolleté et demi-talons ;  son parfum, véritable cocktail de déodorants,  embaume son sillage de 20 m à la ronde. Elle vit dans une « Pente-Américaine » dans un quartier au centre de Labé. En cette fin de soirée, un téléphone portable dernier cri est vissé à son oreille depuis plus d’une heure. Elle est plongée dans l’une de ses interminables conversations avec son « diaspo » de mari qu’elle n’a encore jamais vu physiquement!  Aïssatou est un prototype de ce qu’on peut appeler ici les « mariées du téléphone ».

Elles sont nombreuses ces jeunes femmes guinéennes, en général, dont le mari vit en « Occident » depuis belle lurette.  Leur mariage a été la plupart du temps célébré en l’absence de l’époux, et par le biais du téléphone ! Le seul lien qui unit ces  couples, reste donc le téléphone portable. Ce téléphone constitue un signe distinctif de très haute importance, et ce à double sens.

 D’abord sur le fond, car c’est l’unique lien entre le mari lointain et la femme. Il permet au couple de causer des heures durant. Le mari s’enquiert du banal problème de santé de sa chérie jusque dans la composition du régime alimentaire de celle-ci. « Je ne veux pas te revoir trop grosse ou trop mince », se transformant ainsi en un véritable diététicien, par téléphone interposé. La jeune femme pour sa part, profite pour décliner tous ses besoins en cosmétique et de bijouterie. Elle n’hésite pas d’arrondir les angles en évoquant des cérémonies familiales et autres petits problèmes de santé, totalement « imaginaires ». Un opérateur Mobile de la place a même créé une  promo  autour de ces sempiternels « chats » avec 500 FG « offerts » au correspondant local toutes les cinq minutes. Montant qu’il récupère bien entendu sur la communication des pauvres étudiants et fonctionnaires déflatés.

 Ensuite sur la forme. Si ce téléphone portable ne vient pas de « l’Occident », envoyé par le mari, il est choisi sophistiqué par la femme sur le marché local. Des options comme Caméra, Bluetooth, Radio et lecteur MP3 intégrés y figurent obligatoirement, à défaut d’être tout simplement un Smartphone ! Aux antipodes d’un « Bambéto-Cosa » ou un « M. Diallo » qui désignent ainsi une catégorie de portables de très basse classe. Pour l’obtention de ce précieux objet de communication, aucune pitié pour le mari qualifié de « diaspo » et qui a probablement rejoint les côtes espagnoles à bord d’une embarcation de fortune.

Ces « mariages téléphoniques » étaient très en vogue dans les années 2000 à Labé. Bien qu’ils existent jusqu’à présent, leur fréquence semble diminuer un tout petit peu. Avec le temps, beaucoup de femmes appâtées au début par la « richesse » du « diaspo » arrivent à se lasser de ce train de vie monotone. Les divorces se multiplient. Pourtant, ces jeunes femmes sont comblées en matériel et argent, et surtout en flot interminable de beaux mots. Mais, certaines avouent qu’il y a des « besoins » que le téléphone, quelle que soit sa sophistication, ne peut satisfaire !

Alimou Sow


10 km à pieds à 1500 m d’altitude pour….bipper!

Opération recherche de réseau

Si en Guinée l’utilisation du téléphone portable est devenue banale dans les centres urbains, tel est loin d’être le cas en zone rurale. L’exemple le plus illustratif est celui de mon propre district: Kansagui.

Situé à 7 km de la sous-préfecture de Brouwal dont il relève, et à 35 km du chef-lieu de la préfecture de Télimélé, Kansagui est tout simplement un district enclavé. Pour y accéder en voiture à partir de Télimélé, il vous faut 3 à 4 heures de temps pour couvrir les 35 km de piste qui serpente la montagne! Cependant, depuis 2008, ne vous hasardez pas à dire aux habitants de Kansagui qu’ils vivent enclavés. C’est avec un grand air d’étonnement qu’ils vous dévisageraient!

En effet, avec l’installation en 2008 d’un pylône à Télimélé-ville par un opérateur de Téléphonie Mobile, un « réseau perdu » a été découvert dans un petit terrain vague à Kansagui. Une véritable révolution pour les agriculteurs et éleveurs qui peuplent ce coin frappé de plein fouet par l’exode rural. Depuis, l’endroit ne désemplit pas, nuit et jour. Telle une foire, quelques rares jeunes et surtout de nombreuses personnes âgées, s’y donnent rendez-vous. Les premiers sont les détenteurs des téléphones portables qui savent comment les utiliser, les seconds veulent rentrer en contact avec un fils lointain. S’en suit un marché des…dupes!

Avec des gestes nonchalants et imprécis, les vielles personnes sortent un bout de papier froissé sur lequel est inscrit le numéro de téléphone d’un fils ou d’une fille; les jeunes bippent (faire sonner le téléphone de quelqu’un sans le laisser décrocher) le numéro pour que l’autre rappelle. Cette simple opération est facturée à 2000 francs guinéens (200 FCFA)! Les plus indulgents prennent juste le temps de dire « rappelle ta mère sur ce numéro »! Si le réseau est stable, plus rarement, la conversation s’engage, sinon, ce qui est plus fréquent, on revient le lendemain. Toujours avec le même espoir, le même enthousiasme. Personne ne se plaint de la mauvaise qualité de ce « réseau perdu » qu’on considère comme un don de Dieu.

Parapluie et provision en main, les villageois quittent des kilomètres à la ronde pour rallier ce coin. Certains qui viennent du bas-fond, grimpent une montagne de 10 km à 1500 m d’altitude pour tout juste bipper!  Avis de décès, de maladie, un complet pour la fête, une assistance financière pour la récolte du riz,…tout est traité ici, grâce à ce « réseau perdu ». On pourrait s’indigner de l’attitude des jeunes « bippeurs », mais l’obtention d’une carte de recharge relève parfois du parcours du combattant. De toute façon, ils « arrangent » parfois les vieux en réclamant le paiement de la prestation en nature. Riz, fonio, manioc, banane, etc. tout y passe. Et comme toujours, chacun repart satisfait en bénissant ce don de Dieu.

Alimou Sow


Conakry : bloguer sous état d’urgence

témoignage

A travers la fenêtre de ma chambre, un rayon du soleil naissant danse fébrilement dans le lit. Au loin, un coq ose chanter pour la deuxième fois. Il est 6 heures du matin à Conakry. Je me lève enfin, la tête lourde d’insomnie, les yeux comme injectés de piment et les oreilles résonnant encore du bruit des armes. Nous venons de passer la première nuit de l’état d’urgence !

Les militaires, dont le pouvoir est désormais accru, ont copieusement arrosé les quartiers des rafales de mitraillettes, toute la nuit durant. La tension politico-ethnique a atteint son paroxysme, la psychose s’est installée ! Les femmes, la peur au ventre, ont les traits tirés malgré leur tête bien tressée en prélude à la tabaski avortée de mardi. Les enfants terrorisés par le bruit des armes ont les yeux hagards. Les rideaux des commerces sont tirés depuis plus d’une semaine, la circulation routière quasi-inexistante.

C’est dans un tel contexte que je tente de poursuivre l’aventure Mondoblog. Presque une gageure, d’autant plus que mon secteur est privé de courant électrique depuis plus d’un mois. Pour charger mes appareils, je les envoie chez un ami épargné de la panne du courant. Quant à la connexion Internet pour publier mes billets, un autre ami consent à me prêter sa clé 3G, périodiquement. Cependant, que ce soit pour charger mes appareils ou emprunter la clé, je suis obligé de traverser des concessions où le risque est grand de me faire agresser à cause de mon appartenance ethnique ! Ce n’est tout de même pas un cas isolé. Des anciens amis se regardent aujourd’hui en chiens de faïence. La méfiance s’est installée, des armes blanches circulent presque au grand jour. Tous les ingrédients d’une guerre civile sont réunis !

Devant cette terrible détérioration de la situation, mes activités de blogueur risquent de s’arrêter net ! Je continue à prier pour que cela n’arrive pas et que vive ma Guinée plurielle. Puisque vous avez parcouru cet article, joignez vos prières aux miennes pour que l’aventure continue avec vous.

Alimou Sow


Tabaski sous haute tension en Guinée!

En ce mardi, 16 novembre 2010, jour de la fête de Tabaski en Guinée, l’ambiance est, on ne peut plus électrique! Beaucoup de musulmans ont tout bonnement boudé les aires de prières, obligeant les imams à prêcher dans le désert! Pire, le rituel sacrifice du mouton n’a pas été observé dans bien de concessions!

En cause, la proclamation des résultats du second tour de l’élection présidentielle du 07 novembre 2010. La tension, perceptible à quelques heures de la publication de ces résultats par la CENI, est montée d’un cran ce mardi, décrété jour de fête par les autorités religieuses! Les rues de Conakry, habituellement bondées de fêtards, sont quasiment vides! Le froufrou traditionnel des basins « BAMAKO » rutilants a été remplacé par le crépitement des kalachnikov dans les quartiers de la haute Banlieue. Les forces de l’ordre ont généreusement distribué des gaz lacrymogènes et des coups de feu dans les quartiers de Hamdallaye, Bambéto, Koza, surnommés Bagdad! Du coup, les rares femmes qui avaient pris la peine de « faire leur tête », se sont contentées de l’admirer dans un miroir à la maison.

A l’image de Conakry, beaucoup d’autres villes à l’intérieur du pays ont boudé la fête. Des militants des deux partis politiques en lice au second tour se livrent à des affrontements. Cette tension politico-sociale, doublée d’une profonde crise économique, ont donné un goût amer à la Tabaski. Aucun achat, aucun préparatif. Les enfants, obligés de rester à la maison n’ont pas eu droit au traditionnel « Salimafö ». Les seuls qui restent heureux de cette chienlit sont les nombreux moutons qui ont échappé cette fois à l’hécatombe! Qui a dit que le malheur des uns fait le bonheur des autres?

Alimou Sow


Résultats de la présidentielle en Guinée: les nerfs à fleur de peau!

Du temps de Capitaine Moussa Dadis Camara, les guinéens avaient connu les « Dadis Show »; ces interminables joutes verbales que le capitaine se plaisait à tenir à la télévision nationale. Depuis le mardi, 9 novembre dernier, la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI) a initié ce qu’on pourrait appeler les « Résultats Show ».

En effet, après la tenue du second tour de la présidentielle guinéenne le 7 novembre passé, la CENI a pris l’habitude de distiller les résultats au compte-goutte. Dès 20 heures, les salons de ceux qui ont la chance d’avoir le courant électrique et une télé sont littéralement envahis. Les moins chanceux se ruent sur les postes radio. Avec une extrême nervosité, stylo et carnet en main,  les plus courageux notent soigneusement chaque chiffre qui tombe. Dès après la proclamation, les calculettes entrent dans la danse. Chacun veut savoir les voix d’avance ou de retard de son candidat. Des cris de joie ou des chuchotements de dépit fusent à chaque fois, selon qu’on a gagné ou perdu dans une circonscription électorale. D’autres, surtout les personnes âgées et les femmes, ne supportent tout simplement pas ce spectacle. Ils préfèrent se faire raconter les résultats.

 Il faut dire que cette élection, jugée la plus libre depuis l’indépendance du pays en 1958, suscite des passions à la limite du fanatisme. La peur de perdre de chaque camp se mesure à l’envie de remporter la victoire. Et personne, ou presque, n’y échappe. Tout le monde est devenu partisan. Du coup, l’angoisse, l’anxiété et la peur lors des campagnes, se sont accentuées avec la diffusion des résultats au compte-goutte. D’ici dimanche 14 novembre à midi, délai de rigueur pour la proclamation des résultats provisoires, beaucoup d’autres nerfs risquent de lâcher. Un véritable supplice. Pourvu qu’on en reste là!

Alimou Sow


Les petits cireurs de chaussures de Conakry

Il est 14 heures à Conakry. La chaleur devient accablante. C’est l’heure que choisit Abdoul Diallo pour prendre une sieste et reprendre son souffle. Il est sur pied depuis 6 heures du matin. Il profite pour manger un petit morceau de pain en guise de déjeuner. La caisse en bois qu’il porte habituellement en bandoulière et qui contient ses outils de cireur de chaussures, lui sert de tabouret pour la circonstance.

A seulement 14 ans, Abdoul est cireur de chaussures à Conakry depuis deux ans. Venu de la bourgade de Kakoni, dans la préfecture de Gaoual, il sillonne quotidiennement les quartiers de Kaloum à la recherche des clients. Son travail consiste à laver, cirer ou recoudre des chaussures. Il lui arrive de gagner 15 000 ou 20 000 francs guinéens par jour. Après avoir soutiré sa dépense journalière, il thésaurise le reste avec un seul rêve en tête : devenir « tablier » un jour. Pour dormir, ce jeune cireur passe la nuit dans le hall d’un département ministériel contre « un petit cadeau hebdomadaire » au gardien des lieux.

Comme Abdoul, ce sont des dizaines de jeunes Peulhs dont l’âge varie entre 9 et 17 ans, qui sont devenus cireurs de chaussures à Conakry. A la question de savoir d’où venez-vous, ils répondent invariablement « le Foutah » avec les préfectures de Gaoual, Télimélé et Mamou comme épicentres. Venus du village et déscolarisés, ils vivent de privation pour économiser et arrivent à envoyer régulièrement des petits présents aux parents. Souvent, ces cireurs s’équipent dès le début une tirelire qu’ils alimentent au jour le jour, pendant des années. En cassant cette tirelire, ils parviennent à remplir une table en articles divers, puis peu à peu se construisent une boutique pour, à la fin, la chance aidant, devenir importateurs ! De célèbres opérateurs économiques actuels comme Mamadou Aliou Barry, dit « Super Bobo », sont passés par là.

Aujourd’hui, le rêve du petit Abdoul, à l’instar de ses pairs, est de devenir un « Super Bobo » pour « envoyer ma mère à la Mecque et lui construire une villa », comme il le dit, entre deux bouchées de pain.

Alimou Sow


Conakry, une ville déconnectée!

Le matin de ce vendredi 5 novembre 2010, je viens de boucler l’écriture de cet article: « Les petits cireurs de chaussures de Conakry ».  Il ne reste plus qu’à le mettre en ligne. Pour cela je décide de me rendre au cyber le plus proche, situé à 3 Km de mon quartier Sangoyah. Arrivé sur les lieux, je trouve les portes cadenassées. Motif: problème de connexion. C’est devenu presque une routine pour ce cyber, détenant toutefois le record de longévité dans les parages. Je me décide alors d’aller « En Ville », c’est-à-dire la Commune de Kaloum, le centre administratif de la capitale Conakry où se trouve le cyber le plus renommé du pays. C’est à 18 km de chez moi. Il est 11 heures, dans la matinée. L’endroit refoule du monde. J’achète un ticket de connexion et décide de patienter.

Au bout de trois heures d’attente infructueuse pour avoir une place, je me rappelle qu’un ami du quartier possède une clé d’Internet Mobile qu’il pourrait me prêter. Je quitte le cyber grouillant du monde et me confronte à l’éternel problème de trouver un taxi à Kaloum pour rentrer en banlieue dans l’après-midi. Je parviens à rentrer chez moi aux alentours de 17 heures, littéralement exténué. J’oublie vite ma peine en trouvant mon ami Nabé qui accepte de me prêter sa clé pour quelques heures. Je m’installe confortablement devant mon portable et branche la clé Mobile. Quelle fut ma déception en constatant que ça ne marche pas! Je le fais savoir à Nabé qui joint immédiatement le service clientèle de l’Opérateur. Au bout du fil, on indique qu’il y a un problème technique sur le réseau! C’est le comble!

Si cette mésaventure était une anecdote, elle pourrait prêter à sourire. Mais loin de là. C’est un calvaire auquel sont confrontés quotidiennement les internautes de Conakry et du pays en Général. Les cybercafés ouvrent pour fermer le lendemain, faute de courant électrique et de mauvaise qualité de la connexion. Conséquence, une heure de connexion peut coûter jusqu’à 30 000FG avec le transport pour trouver un cyber ! Cet article que vous lisez là m’a valu plus de 50 000FG en termes de transport, prix de connexion et autres appels téléphoniques !

On assiste maintenant à l’apparition des solutions alternatives de connexion Mobile proposées par les différents Opérateurs téléphoniques, à des prix… exorbitants ! Mais ça c’est une autre paire de manches.

Alimou Sow