Mamadou Alimou SOW

Ramadan : la gêne des non-jeûneurs

Crédit photo: Melty.fr
Crédit photo: Melty.fr

Vingt-troisième jour du mois de ramadan 2012, vingt-troisième jour de pénitence pour Monsieur Alphonse (le prénom a été changé). Alphonse, comme son nom l’indique, est pourtant tout sauf un musulman. C’est un honorable jeune chrétien, droit comme un «i», qui ne rate pas la messe dominicale de la paroisse locale, fringué et parfumé comme seul un jeune chrétien peut l’être. A priori, il n’est donc pas concerné par l’observation du mois de ramadan. Il ne jeûne pas. Mais c’est tout comme.

Car depuis le début de mois saint de ramadan, Alphonse fait quasiment comme les musulmans. Il mange très peu ou pas du tout dans la journée. Non sans en vouloir ou faute de ne pas chercher, mais parce qu’il éprouve toutes les peines du monde pour trouver à bouffer. Son statut de célibataire ajouté au fait qu’il vit à Labé (400 km de Conakry), une ville considérée comme berceau de l’islam en Guinée, ne plaide pas en sa faveur.

Chaque jour il passe de longues heures à quêter dans les quartiers un morceau à se mettre sous la dent ; il se heurte systématiquement à des échoppes hermétiquement fermées et des gargotes, jadis grouillantes de monde, tristement désertées. Ramadan oblige. Quand on est musulman, il est non seulement interdit de boire et de manger durant la journée, mais aussi de commercer des aliments cuisinés.

Même le pain on n’en trouve plus pendant la journée» témoigne Alphonse. «Quand tu demandes aux revendeurs et qu’ils te disent sèchement qu’il n’y en a pas, ça sous-entend souvent « tu ne vois donc pas que c’est le ramadan ?» se plaint-il. «C’est quand même dur d’avoir son argent en poche sans pouvoir s’acheter à manger», ajoute-t-il, un sourire narquois dans la voix.

Comme Alphonse, ils sont nombreux, les non-jeûneurs, à mener une vie de galérien pour trouver à manger par les temps qui courent en Guinée, pays à 90% musulman. Ici les gens sont ce qu’ils sont, pauvres et précarisés, mais l’observation du  jeûne du ramadan ne souffre d’aucun sabotage. Bars-cafés et gargotes ont les rideaux tirés, les boulangeries tournent au ralenti, ne servant du pain que la nuit. Et puisque chez nous le riz et le pain constituent l’aliment de base, bonjour la faim pour les malheureux non-jeûneurs.

Ces deniers sont constitués de malades, de personnes très âgées, d’enfants pas encore en âge de jeûner, certaines femmes enceinte ou nourrices et les non-musulmans. Une minorité laissée pour compte qui fait comme elle peut pour se nourrir durant les 29 ou 30 jours du mois; se contentant de l’eau, du pain sec ou bien de quelques fruits. Du menu fretin destiné à calmer leur fringale accentuée par une période de vaches maigres qui ne dit pas son nom.

Parmi ces non-jeûneurs, les malades, les personnes âgées et les jeunes enfants sont les plus touchés. Ils sont souvent oubliés par les jeûneurs plus préoccupés à préparer leurs propres repas du soir qu’à s’occuper d’autre chose. Du coup, ils se contentent d’un seul repas par jour, qui arrive souvent à la fin de la journée. Pour limiter les dégâts, certains, les non-musulmans, sont retournés à la cuisine.

C’est le cas d’Alphonse qui révèle avoir été obligé à jeûner une journée entière, faute d’avoir trouvé à manger.

Maintenant, je me suis acheté des pommes de terre et un peu de mayonnaise» soupire-t-il. Désormais, je me fais un petit plat et me barricade dans ma  chambre pour le manger.

Pour les autres, notamment les gosses des familles très modestes, c’est la résignation et les complaintes. Comme cette petite fille de 6-7 ans, que j’ai croisée l’autre jour en train de chanter pour elle-même :

Oh que la faim sévit ces temps-ci !

Tout est dit!


Mosquée Fayçal de Conakry, le vrai visage de l’indigence

Crédit photo: aminata.com
Crédit photo: aminata.com

[Mise à jour: cet article a été publié en aout 2012. Fin novembre 2013, les autorités ont lancé une opération de dégurepissement aux alentours de la Mosquée Fayçal en prélude à la tenue à Conakyr du somme de l’OCI.]

Fin de la prière du troisième vendredi du mois saint de ramadan 2012 à la mosquée Fayaçal de Conakry. L’immense esplanade de l’édifice est noire de monde qui se disperse dans un grand brouhaha.

Coincée entre les vendeurs à la criée qui battent le rappel des clients et la longue procession de véhicules rutilants des officiels, Aïssatou Diallo, 23 ans, – on lui donnerait 40 – fait la manche à grand renfort de lamentations. Assise à même le sol, sa main droite suspendue en l’air happe des billets de 500 francs guinéens, tandis qu’avec la gauche, elle tend un sein ratatiné à son bébé de quelques mois.

Elle implore la pitié, elle inspire la pitié.

Un peu plus loin, sous le regard bienveillant de leur frère Abdoulaye,  Rougui et Amizo, deux jumelles de huit ans, tiennent à bout de bras un plateau quasi-vide. Seuls quelques billets de 100 francs y sont jetés par les passants boudeurs.

En dépit de la coïncidence du vendredi et du mois de ramadan, tous deux saints, la générosité des fidèles musulmans à l’égard des indigents est timide. Une générosité qui se mesure à l’aune de la pauvreté qui frappe la majorité des Guinéens.

En effet, selon une récente étude rendue publique par l’Institut national de la statistique, 55% de la population guinéenne vit avec moins d’un dollar américain (6000 GNF) par jour, c’est-à-dire en dessous du seuil de pauvreté ! Les salaires sont maigres, les poches trouées. Mendicité ne fait plus recette.

Pour toucher du doigt la véracité de cette étude, il n’y pas meilleur endroit que les alentours de la Grande mosquée Fayçal de Conakry. Charriés par la misère extrême et la faim, des dizaines de gueux, pour la plupart infirmes, venus des quatre coins de la Guinée ont échoué-là, espérant trouver une âme charitable pour nourrir leur ventre vide. Certains comme Aïssatou Diallo viennent temporairement, le temps d’un vendredi, d’autres ont carrément élu domicile dans les parages (…).

C’est le cas de Daouda Yansané, 28 ans, qui traine une plaie purulente à la cheville droite. Venu de Kindia (135 km de Conakry) il y a deux mois pour rendre visite à son frère Fodé Camara, paraplégique, Daouda a fini par se sédentariser. Comme son frère, il squatte les fondations de la passerelle qui enjambe l’Autoroute Fidel Castro au niveau de la mosquée, dans un abri de fortune fait d’épaves de congélateurs et des restes de bâche. Sans eau, nitoilettes.

Pour faire leurs besoins, ces SDF sont obligés de traverser la cour de la mosquée pour rejoindre la forêt classée du cimetière de Cameroun, à environ un kilomètre de là. Mais ça, c’est pendant la journée. A la nuit tombée, chaque mètre carré à l’alentour du campement est une toilette par excellence. Résultat : une odeur âcre empeste l’atmosphère.

Avec parfois un revenu de 5.000 francs par jour, Daouda et Fodé mangent de façon aléatoire. Une à deux fois quand la journée a été bonne, rien dans le cas contraire. Dans de telles conditions, l’observation du ramadan c’est pour les autres. Daouda avoue ne pas jeûner.

Parmi la centaine de personnes qui squatte les lieux, dont des femmes enceintes, il y a aussi Fatoumata Camara. Une mère-poule de 40 ans qui vit dans un taudis avec ses huit poussins (filles et garçons) dont un seul va à l’école. Ce depuis deux ans ! Frappée de cécité, elle a fui son Forécariah natal, abandonnant son époux malade, pour se réfugier sous cette passerelle à la merci des intempéries. Certains jours, comme ce vendredi, la famille mange «trois fois comme en temps normal», sourit Fatoumata, enchantée, qui fait la comptabilité du jour, aidée de l’un de ses garçons. Elle a récolté 70.000 GNF depuis le matin. Une belle moisson, comparée aux jours ordinaires où c’est souvent le ventre vide, les moustiques et la pluie pour toute la nuit.

Comme Aïssatou Diallo, Fodé Camara et Daouda Yasané, Fatoumata Camara implore les autorités guinéennes pour lui trouver un abri plus décent et de quoi manger et nourrir sa marmaille. Tous espèrent ainsi, avec l’aide de Dieu, retrouver la santé, un minimum de protection et de dignité humaine. Leur appel étouffé par le bruit des véhicules qui roulent sous la passerelle sans s’arrêter sera-t-il entendu ?


L’Angola, ce pleurer-rire pour les Guinéens

Luanda (tourisme-en-afrique.net)

Pour petit Soul «game is over». Il est rentré à la maison. Son vol s’est posé cet après-midi à l’aéroport international de Conakry-Gbessia. Un coup de fil et je suis allé l’accueillir. Un jean délavé, un t-shirt sur les épaules, de simples repose-pieds et un regard de détresse. Mon frangin a été charterisé, renvoyé, rapatrié de L’Angola. Un sort qu’il a partagé avec 44  autres compatriotes.

Soul rêvait de l’Angola, il y est allé mais n’aura vécu que trois mois au pays du patriarche José Eduardo dos Santos. Exactement 95 jours qu’il a passés à égrainer un à un à la prison de haute sécurité de Tirinta dans la banlieue de Luanda, déclinée en «Centre de rétention» à l’intention de la presse et les organisations de défense des droits de l’Homme. Un cachot où sont entassés des centaines d’immigrés ouest-africains, nourris à une gamelle de pâte à base de maïs une fois les 24 heures.

Terminé. Le rêve de petit Soul a volé en éclats, se fracassant sur les durs flancs de la réalité. Celle d’une odyssée irréaliste qui l’a mené en Angola, ce pays de cocagne qui cristallise les fantasmes de nombreux jeunes guinéens. Soul a dépensé 4.500 dollars US pour un voyage de neuf mois, traversant près de 10 pays avant de s’échouer sur les côtes de Luanda à bord d’une embarcation de fortune. Pour être immédiatement pêché par des policiers pourris qui ont fini par le jeter à Tirinta, faute de pouvoir monnayer sa libération contre 400 dollars américains.

Il n’a pas eu de bol comme certains de ses compagnons de fortune qui ont réussi à se faufiler ou se faire «racheter» par un frère, un cousin après leur arrestation. Mais il a été nettement plus chanceux qui ceux qui ont péri noyés au cours de la traversée en pirogue entre Pointe-Noire et Luanda, ou qui sont morts de faim et de fatigue durant le voyage.

La police de l’aéroport de Bruxelles peut l’attester : depuis près de 10 ans, l’Europe ne constitue plus un attrait pour les Guinéens. Ceux-ci sont attirés par les scintillements des diamants angolais et les dollars issus de la vente des matériels électroménagers dans ce pays pétrolier de 18 millions d’habitants, vaste comme cinq fois la Guinée. En attestent les villas cossues qui poussent comme des  champignons dans les nouveaux quartiers de la haute banlieue de Conakry et les titres d’El-hadj et de Hadja (pèlerins) dont s’enorgueillissent de nombreuses personnes du troisième âge, grâce à un fils qui vit en Angola.

Combien de familles guinéennes dépendent aujourd’hui entièrement d’un fils, d’un père ou d’un mari immigré dans ce pays ? Des success-sotries qui ont aiguisé les appétits, jetant chaque année des milliers de jeunes guinéens sur le chemin périlleux de l’Angola. Clandestinement.

Selon une note de l’Ambassade de Guinée à Luanda transmise à la presse fin février 2012, entre 50 et 60.000 Guinéens vivent dans ce pays, dont seulement 800 de façon régulière ! Des Guinéens de plus en plus victimes de persécution, de rafles, de tortures et de violence gratuite de la part des forces de sécurité angolaises ou de simples citoyens. Entre mars 2011 et février 2012, 15 ressortissants guinéens, dont une femme par viol, ont été tués à travers le pays et des centaines d’autres croupissent actuellement en prison (130 à Tirinta, selon la même note). Les vols charters en provenance de Luanda se multiplient à l’aéroport de Conakry. Cela n’a pas empêché l’arrivée en Angola, au cours de l’année 2011, de 410 personnes se réclamant de nationalité guinéenne. Parfois des clandestins récidivistes qui tentent une seconde chance.

L’Angola est devenu un nouvel eldorado pour les Guinéens qui préfèrent s’expatrier, quitte à en mourir, pour fuir la misère qui étrangle leur pays, un concentré de richesses inexploitées qui n’a rien à envier à la patrie de Savimbi. Une situation tragi-comique, un pleurer-rire qui sonne pour nous comme celui du personnage de Bwakamabé Na Sakkadé de l’écrivain  congolais (RDC) Henri Lopes. Triste reality!


Tourisme de proximité, dans mon quartier [Sangoyah]

Une vue de Sangoyah

Ce sont les vacances en Guinée. C’est surtout l’hivernage à Conakry. Période pendant laquelle la capitale guinéenne ressemble plus à Londres qu’à une ville du sud du Sahara. Ça flotte comme vache qui pisse, transformant les rigoles des quartiers en de véritables rivières urbaines. La fourniture du courant électrique reste soumise à la célèbre règle du «Tour-Tour». «Conakry électricité, c’est chacun son tour, comme chez le coiffeur». Vous connaissez la chanson. Merci Tiken Jah Fakoly.

Bref, pas l’endroit idéal pour passer les vacances les pieds secs sur du sable fin, se prélassant sous les rayons d’un soleil taquin. Rien à voir par ici, circulez. Les vacances à Conakry c’est surtout pour la famille et… les boites de nuit.

Et puisque c’est le Ramadan et que ces lieux sont momentanément désertés même par Satan, je vous convie à une ballade de proximité pour découvrir mon quartier Sangoyah. Pour ce, chaussez vos «Lammaye Parr» new look, version 2012 des fameuses «Lalla Yara», ces chaussures plastiques devenues une véritable légende dans les villages de Guinée où elles empruntent le nom de «Sögölö Kotthiou» (Diable de gravier) dans certains hameaux de la Région du Fouta. Des «tout terrain» qui se vendent comme de petits pains en ce moment.

Quartier Sangoyah, dans l’immense commune de Matoto.  Subdivisé en Sangoyah-marché et Sangoyah-mosquée séparés par la grande route. J’habite  Sangoyah-marché : sept Secteurs pour environ 20.000 âmes. Vingt ans de vie ici et, saperlipopette, je me rends compte je ne connais pas mon quartier d’adolescence! C’est fou ce que l’on peut découvrir chez soi, ce que l’on court chercher tout le temps ailleurs. Faites l’expérience autour de vous, vous m’en direz des nouvelles.

Pour commencer, je vous propose d’inaugurer cette visite à partir du toit de ma maison. Euh…rectificatif, c’est celle de mon oncle hein. Mais puisqu’on est en Afrique de l’Ouest et que ton oncle paternel est ton père, qu’il doit te loger, te nourrir, te vêtir – ce qui ne t’empêche pas de le critiquer– qu’il n’y a pas d’âge pour faire tes valises et quitter chez lui et que ce qui lui appartient, t’appartient (du moins théoriquement), je dis donc que c’est MA maison.

On a la chance d’habiter un duplex assez coquet, sur le toit duquel j’ai une vision panoramique à 360 degrés de Sangoyah. Réel observatoire spatial à partir duquel je mesure les convulsions de ce quartier de la banlieue-est de Conakry à l’urbanisation chaotique. Une forêt de maisons en briques aux couleurs changeantes posée sur un socle en forme de puzzle en reconstitution. Une flore urbaine composée de nombreux manguiers, de quelques goyaviers et de rares cocotiers complètent le tableau de ce paysage de carte postale épuré par les fortes pluies qui lavent Conakry à grande eau.

Descendons de mon observatoire pour emprunter les ruelles de Sangoyah. Pour humer la senteur du  poisson qu’on frit dans de l’huile rouge, celle des beignets et de patate douce découpée en fines lamelles accompagnées d’une sauce aux épices qui titillent les papilles gustatives. Sentons, à l’heure du repas de la rupture du jeûne, l’odeur exquise du Môni (bouillie à base de farine de manioc), celle pavlovienne du accompagné de son inséparable sauce veloutée. Pardons de vous mettre l’eau à la bouche en cette période de Ramadan.

Rue Sory Doumbouyah

Des ruelles tantôt bitumées, tantôt crevassées. Bitumées si elles mènent chez le Général Sory Doumbouyah, Chancelier national de l’ordre du mérite ou chez Général Mamadouba Toto Camara, ministre de la Sécurité aux 4×4 rutilants. Les ruelles sont jonchées de nids de poule si elles aboutissent à la modeste concession de Fodé Doukouré Camara, 78 ans, ou de Thierno Saïdou Diallo, la soixantaine. Des notabilités «effacées» du quartier qui me parlent de l’histoire de Sangoyah avec une pointe de nostalgie dans la voix.

Fodé Doukouré Camara qui habite Secteur Barry comme moi, se rappelle avoir mis pied dans ce qui n’était alors qu’une «brousse» par une fin d’hivernage de l’année 1962. Cet ancien tâcheron devenu patriarche a exercé tour à tour comme menuisier, maçon, orfèvre, ferrailleur. «Vieux Doukouré» a certes perdu la vue à cause d’une cataracte non soignée, mais sa mémoire intacte lui permet de se rappeler avec précision que l’un des premiers habitants de Sangoyah fut un certain Alhadj Momo Camara natif de la localité de Manéyah, près de la ville de Kindia. Le fils héritier de ce dernier, Fodé Balancey Camara, était le plus grand propriétaire terrien possédant la moitié de Sangoyah, dont le nom viendrait d’un ancêtre, «Vieux Sango», et du suffixe «Yah», signifiant «chez» en langue vernaculaire Soussou. Sangoyah signifie donc «Chez Sango» ou la «Concession de Sango», située  à Sangoyah-Tâakouye (centre-ville).

Diallo Saïdou, quant à lui, se souvient que dans les années 1970-1980, l’actuel Secteur Condéyah densément peuplé, était un buisson dédié en champ de tir pour l’Armée. Raison pour laquelle il abrite aujourd’hui un Point d’Appui (PA). Cet ancien mécanicien, fin comme un sarment de vigne, occupe sa petite villa enclavée qu’il a construite à la sueur de son front depuis 1982. Année à laquelle le Secteur Barry n’était qu’un vaste verger de manguiers, d’orangers et d’avocatiers, dont le propriétaire n’était autre qu’Ibrahima Barry, dit Barry 3. Une célébrité guinéenne. Ancien Secrétaire d’État aux Finances, Barry 3  originaire de Bantighel (Pita, 1923) est une victime du régime Sékou Touré, pendu le 25 janvier 1971 au pont du 8 novembre de Conakry. Triste sort qu’il partagea avec trois compagnons d’infortune : Baldé Ousmane, Kéita Kara et Magassouba Moriba.

Avant cette funeste date, Barry 3 aimait séjourner à Sangoyah pour visiter et entretenir son jardin. Il y avait construit une magnifique case ronde de trois chambres et salon (voir photo) qu’occupe aujourd’hui un neveu qui connait mal les contours de la tragique histoire de son oncle.

Ancienne case de Barry 3

Une histoire que ne maitrisent pas non  plus les milliers de jeunes gens natifs de Sangoyah dont les arrières-parents ont fondé ce quartier cosmopolite. Une université (Nelson Mandela), une école professionnelle (Nako Diabaté), quelques boites de nuit (Reflet, Le Bourgeois), une savonnerie (Alpha), de nombreuses mosquées, etc. Sangoyah se développe peu à peu et attire de plus en plus d’étrangers séduits par sa desserte permanente en eau de robinet et sa sécurité relative.

Vivement le ramassage plus efficace des ordures, les terrains de jeu, les bibliothèques, les cybercafés et l’éclairage publics pour que Sangoyah soit un joyau.

Vous venez quand nous rendre visite ?

 


Don Juan et la Serial-dragueurs-Killer

delocalisationlitteraire.hautetfort.com

 J’ai un pote complètement dans la merde! Il a perdu 3 kg en moins d’une semaine. Est devenu amer, stressé et cassant. Mon pote broie du noir. Sa nana, sa biche, sa puce, son ventricule gauche, lui a fait le doigt d’honneur. Niqué !

Le cœur de mon pote est parti en vrille il y a une semaine. La femme de  sa «vie», la «future mère de [ses] enfants»,  celle qu’il avait choisie, qui l’avait choisi, à qui il pensait tous les jours, à chaque instant, celle pour laquelle il était capable de griller carte de recharge sur carte de recharge, celle qui apaisait son cœur, rafraichissait sa mémoire, détendait son esprit, défendait ses intérêts, satisfaisait ses désirs, l’a abandonné. Comme ça, sans crier gare.  Elle s’est barrée.

Il m’en parle le cœur serré, le regard perdu, les traits tirés. Livide. Il s’en veut, lui en veut, en veut au monde entier. Comme souvent dans ce genre de situation, mon ami n’a rien vu venir. Il en a pour sa gueule.

Pourtant, rien ne prédestinait DSK (ainsi on l’appelle à son insu) à un tel sort. Puisque DSK n’est pas du genre à se faire avoir par une nana. Alors là, pas du tout. Au contraire.

Lui et moi avons quelques points communs : pas d’alcool, pas de cigarette (même s’il lui arrive de griller une clope de temps en temps), pas de thé, pas de foot. Ni à la télé, encore moins sur le terrain. Equipe nationale, championnats européens, CAN, coupe du monde, J.O, on s’en balance. Le Syli national de Guinée peut se faire laminer au stade du 28 septembre par de petits morveux égyptiens, le Real Madrid se faire étriller au Santiago Bernabéu par des bambins du Barça. Des supporters fêlés peuvent cramer de chaleur dans des vidéos-clubs crasseux, se boxer pour défendre ou vilipender le gringalet Messi ayant le même âge que leur fils ainé qui se shoote du shit. Vogue la galère. On s’en bat les couilles. Nous avons d’autres chat(tes) à fouetter, nous.

Là, s’arrête la comparaison entre lui et moi. Puisque, quand moi je suis occupé à me ruiner quotidiennement la vue sur un écran d’un Notebook à écrire des billets de blog à deux balles, sur un Samsung Galaxy d’entrée de gamme ou sur un bouquin de la littérature africaine des Indépendances, mon pote, lui, fait autre chose. Il drague. Ou s’envoie en l’air, son sport favori. Activité libidinale qui lui a valu cet honorable surnom de DSK. Tout un symbole.

Ce Don Juan des temps modernes est un tombeur de gonzesses hors-pair depuis sa tendre enfance. Aucune meuf ne résiste à son charme. Car, vous l’avez sans doute deviné, mon ami-DSK est charmant. Beau et charmant. Prenez le sourire de Will Smith, collez-le sur le visage de Craig David, plantez une telle tête sur le corps de Justin Timberlake : vous avez mon pote tout craché. Bien baraqué, toujours tiré à quatre épingles, toujours parfumé. La classe.

Nul en grammaire et orthographe, mon ami n’en est pas moins un sacré orateur….pour les femmes. Jamais je  ne l’ai entendu défendre un point de vue sur un sujet de discussion en public. Il réserve sa verve, toute sa verve, à la gent féminine.

Charme et verve qu’il a usés pour se faire les plus belles nanas de sa génération. Les claires, les pas-très-claires, les brunes, les sombres, les noires-ébènes, les grandes, les courtes, les grosses, les grasses, les gracieuses, les minces, les sensuelles, etc., il a goûté à tout. Mais toujours belles. Suscitant notre jalousie. Moi en premier, qui collectionnais les échecs auprès des minettes, m’évertuant vainement à vouloir transposer dans la vraie vie les belles intrigues des romans à l’eau de rose qu’il m’arrivait de bouquiner. Non, rassurez-vous, pas des Harlequins. Piètre dragueur suis-je donc.

Tout le contraire de mon pote. Jusqu’à ce qu’il rencontra, il y a quelque temps, la nana à la base de sa quasi-dépression actuelle. Ayant décidé de s’assagir une bonne fois pour toutes en épousant la femme de ses rêves, ses talents de séducteurs impertinent lui  avaient permis de hameçonner cette meuf inoxydable venue d’horizon lointain. Belle créature. Un petit flirt et un accord : ils décident de se marier sous peu. C’est le pied. Sulfureux échanges de paroles mielleuses, de mails et SMS survoltés, de baisers langoureux et autres étreintes bandantes. Feeling in love. La mayonnaise a pris.

Et vlan ! Un beau matin, la belle stoppe tout. Tout net. Plus de coups de fil, plus de SMS, plus de câlins, plus de parole. Rien. Nada. Cerise sur le gâteau, elle met les voiles pour retourner de l’autre côté du grand lac salé d’où elle venait. Sans aucune explication.

Sauf celle que m’a fournie mon pote dépressif : il y a une semaine, il avait découvert que sa «puce» le trompait avec  pas moins de trois mecs, photos et vidéos brandies comme preuves. Il avait vivement protesté, elle l’a proprement viré. Une vraie Serial-dragueurs-Killer cette nana !


Parrain et marraine: ces gens qui se ruinent pour votre mariage

Marraine en action - Crédit photo: Alimou Sow
Marraine en action – Crédit photo: Alimou Sow

Mon amie ne sait plus où donner de la tête. Elle est gênée aux entournures. Contrariée, embarrassée et même exaspérée. Ce soir, sa filleule et la famille de cette dernière lui ont téléphoné pour une ultime mise au point concernant les derniers détails des préparatifs du mariage. Elle est prise au piège. Celui qui, en ce moment, enserre des centaines d’hommes et surtout de femmes à travers les quatre coins de la Guinée. Mon amie a l’honneur d’être choisie pour être la marraine de l’une de ses connaissances pour le mariage de cette dernière.

Un malheur financier en réalité.

En ce mois finissant de Sha’bane, à quelques jours du début du Ramadan en Guinée, les femmes de chez nous ne sont que mariages. Elles en organisent, participent, préparent, financent, se marient. Les cérémonies sont légion. Les filles trouvent preneurs et partent comme de petits pains. Dans les mairies, les officiers de l’état civil ont les doigts couverts de callosités à force de signer  des actes de mariage. Les weekends, les villes, Labé et Conakry en tête, ne sont que parfum, paillettes, musique, vacarme, cortèges et embouteillages. Les femmes sont jolies, parées et parfumées.

Dans certains milieux, il est dit que celle qui ne trouve pas de mari ce mois-ci, aura été la cocue de l’année. C’est la traite. Les fiançailles se concrétisent, les familles se fondent à tour de bras en ce mois de Sha’bane, sans aucune explication rationnelle convaincante. Et à moins d’être un (e) Wahabia (musulman sunnite du courant wahabite), l’on ne se marie plus sans parrain et marraine. Ce serait trop villageois, trop ringard, moche, pas cool du tout. Ne pas avoir le «substitut du papa et de la maman» pour son mariage, serait manquer d’initiative, de goût, de tact. Et c’est là que se trompe Léga Bah.

Dans son morceau ä Bounguiraïmö, devenu tube de mariage, cette sulfureuse chanteuse qui fait du folklore peul un fonds de commerce, chante : «certains m’ont dit que la marraine c’est pour l’argent, j’ai rétorqué que la marraine c’est le substitut de la maman». Elle a tort ! Etre marraine par les temps qui courent, signifie être la vache à lait d’un mariage dans lequel on vous embarque à tout hasard. Et ce n’est pas mon amie contrariée qui me démentira.

Le coup de fil qu’elle a reçu ce soir l’a littéralement terrassée. En plus de la coiffure de la mariée, de la location et la décoration du véhicule du couple, on lui demande de louer la sono pour l’animation, ainsi que la tente qui abritera les deux tourtereaux le jour du mariage. Saison des pluies oblige. Tout langage diplomatique qui sied en pareille circonstance mis de côté, mon amie a répondu lapidairement mais sèchement : «je ne peux pas financier tout votre mariage». Elle vient déjà de claquer 150 euros, rien que pour sa parure à elle : sa tenue de marraine.

Un basin Bamako d’entrée de gamme (c’est la période de vaches maigres) brodé gros fils  à 400.000 GNF, une pochette de même couleur à 100.000 GNF, une espèce de bonnet à  étages pour 50.000 francs, un collier, des boucles d’oreille, des talons de 7cm pour compenser sa petite taille, dont le cumul est estimé à 250.000 francs. Sans parler de sa coiffure, de son maquillage formant une uniformité de couleurs, et surtout du montant (jamais moins de 100.000 GNF) qu’elle devra balancer en l’air le jour des noces quand les titres ä Bonguiraïmö ou encore Makalé de Tiranké Sidimé l’appelleront sur le piste. Là, elle devra faire une véritable démonstration de force. Prouver qu’elle n’est pas n’importe quelle marraine, qu’on ne peut pas se mesurer à elle en termes de beauté, mais surtout de générosité.

Contrairement aux autres, la marraine ne doit pas distribuer des «Alpha Condé» (coupures de 100 GNF ainsi appelées en référence à leur remise en circulation sous la présidence d’Alpha Condé). Ce serait insulter le public et faire preuve de mesquinerie. Pour elle, ce sera les «Kouyatés» (10.000 francs) qu’elle fera voltiger en l’air. Pourquoi pas les billets de 50, voire de 100 euros si vous êtes femme d’affaires ou si votre mari est un «diaspo» établi en Suisse. Ce sont ces marraines-là qui laissent des traces intemporelles, leur nom faisant vibrer les cordes vocales des artistes de tout poil à chaque cérémonie.

Si vous  êtes un petit fonctionnaire guinéen dont le salaire de misère est déjà dépensé avant même d’être perçu, et que, par une belle soirée au lit, votre épouse vous annonce qu’elle est choisie pour être marraine d’un mariage, pleurez toutes les larmes de votre corps. Vous êtes parti pour être entubé proprement. Invoquez quoi et qui vous voulez mais l’honneur de votre épouse-marraine ne sera pas bafoué. Vous allez tricher, voler, mentir, ou emprunter mais son honneur, sa dignité et sa célébrité seront gardés et célébrés. Une véritable saignée financière.

Aux origines du marrainage…

Ça commence par une visite d’apparence anodine d’une jeune fille que vous connaissez parfois à peine. Ça peut être la petite sœur d’une amie, une cousine ou une simple connaissance. Qui vient vous annoncer qu’elle vous a choisie pour être la marraine de son mariage. Pour vous «faire honneur». En réalité pour vous faire honnir si vous n’avez pas les moyens. Car ce sera à vous d’assurer sa coiffure, son maquillage et sa robe de mariage. Trois mots pour un prix qui peut permettre à un jeune diplômé chômeur de Conakry de lancer son affaire dans le commerce.

La coiffure et le maquillage, c’est-à-dire les deux opérations chimiques qui transformeront la boutonneuse du coin en Madonna version relookée, vont coûter au bas mot 1.500.000 francs. Priez pour qu’on ne vous colle pas la location de la sono, du caméraman et du  photographe. Car un mariage «marrainé», c’est surtout du bruit, de la photo et de la vidéo. Rien n’est laissé au hasard pour immortaliser ce moment unique.

Il y quelques années, la marraine était une belle femme censée conseiller sa filleule et assurer simplement le rôle de maman. Mais depuis que ces femmes ont commencé à se montrer généreuses, on a vite fait de faire évoluer la notion : de marraine, à bailleur de fonds. Même chose pour le parrain à des proportions moindres. Lui, se fringue juste en basin Bamako, le regard barré par une paire de Ray Band chinoises à la Dadis pour accompagner le mâle : le marié.

Alors si vous aimez votre femme avec qui vous vivez en harmonie, n’oubliez jamais la marraine qui s’est ruinée pour qu’elle soit chez vous hein. Parait quand même qu’il existe des mariages où parrain et marraine sont  entièrement financés par les fiancés pour jouer les figurants. Vous en connaissez, vous ?


Que peut-on faire de Twitter entre Guinéens ?

Je rentre fraichement du Maroc. Un séjour de cinq jourspour participer au premier Forum de l’étudiant guinéen au Maroc auquel j’étais invité comme « jeune journaliste-blogueur guinéen». C’était du 29 juin au 1er juillet 2012 à Casablanca. Un évènement organisé sur le thème «La jeunesse face aux défis de la Guinée» qui a connu une forte participation des Guinéens de tous bords et qui s’est achevé sur une note de succès.

Je suis intervenu sur le thème «Eau, Energie et TIC en Guinée : Enjeux et perspectives». Juste une quinze de minutes d’intervention (on était plusieurs sur le même thème) pour livrer un témoignage : mon expérience laborieuse de blogueur dans un pays qui manque d’électricité et qui ne compte que 95.000 internautes, dont 42.000 utilisateurs de Facebook et moins de 10 comptes Twitter actifs !

Si j’ai été content de dénoncer cette situation devant nos dirigeants et pester contre certaines de leurs politiques rétrogrades consistant à rebâtir des Maisons des Jeunes dans les quartiers de Conakry où l’on taperait du tam-tam au lieu du clavier, j’ai été plutôt heureux de faire profiter mon expérience d’utilisateur du réseau de microblogging Twitter. A ce niveau, je mets la modestie en poche pour vous révéler qu’à l’heure actuelle je suis la seule personne physique tweetant régulièrement à partir de la Guinée à avoir près de 700 Followers (Abonnés) ! @witterlims

J’ai été d’abord étonné. Etonné de constater que les étudiants guinéens vivant dans un pays en pointe dans les nouvelles technologies de l’information et de la communication comme le Maroc, n’annonçaient pas leur Forum sur Twitter. Ce que je fis remarquer aux organisateurs qui m’ont alors chargé de leur créer un compte avant même mon départ pour Casa. Mais mon étonnement a été plus grand, quand une fois sur place, j’ai remarqué qu’à part @iamlegion7 (Alimou Dieng), j’étais pratiquement le seul à utiliser Twitter au premier jour du Forum. Je profite de mon intervention pour quasiment le dénoncer. Je trouvais ça énormément paradoxal.

Alors, pour le deuxième jour, je mis un dispositif en place en collaboration avec @iamlegion7. On créa le hashtag (mot-clé) #Forum2012 qui avait l’avantage d’être court et disponible. Court parce que quand vous n’avez que 140 signes (principe de Twitter) pour vous exprimer, mieux vaut avoir de l’espace avec un hashtag court pour les Retweets (Republications). Disponible car pendant cette période (29 juin au 1er juillet), #Forum2012 n’était pas utilisé par d’autres personnes ou entités. Une aubaine car il est très important d’avoir un hashtag unique pour un évènement. Ça évite les chevauchements.

On annonce la création de #Forum2012 publiquement et invitons ceux qui veulent tweeter sur le Forum à l’utiliser systématiquement. Et la mayonnaise prend. Beaucoup de personnes profitent pour créer leur compte. On passe alors à la vitesse supérieure.

Comment susciter un plus grand intérêt et partager les messagers avec tout le monde, même au-delà de la salle?

Je trouve la réponse à travers une idée : projeter les tweets sur le mur de la salle de conférence. Pour cela, je déniche deux applications  gratuites: anothertweetonthewall et visibletweets. Leur utilisation est ultra simple. Il suffit de charger les applis et de taper votre hashtag dans le champ prévu à cet effet et de presser «Entrée».

Anothertweetonthewall permet d’afficher les tweets sur l’avatar (photo de profil) du twitto (utilisateur de Twitter) qui apparait en filigrane. L’effet est assez bluffant sur grand écran avec la variation des couleurs. Ecritures bien lisibles aussi, même si je trouvais l’affichage des messages parfois lent. Sans option de chronométrage.

Ce qui m’a emmené à essayer visibletweets. Même principe de fonctionnement que pour Anothertweetonthewall. Visibletweets n’affiche pas de grande photo mais possède des options d’animation intéressantes. J’ai bien aimé l’animation «Rotation» par exemple. L’application serait parfaite pour moi si elle ne trichait pas dans la restitution de certains messages écrits en français en omettant les accents et les apostrophes des fois (Elle est en version anglaise, ça se comprend).

Quoiqu’il en soit, cette «innovation» eut un effet viral. La création de comptes, souvent sans image d’illustration, passa à la vitesse grand «V». Chacun désirait voir son message défiler à l’écran géant. Des Twittos guinéens, ou Guinée-philes, des quatre coins du monde se mirent dans la danse.

Et nous n’avons pas tardé à être victimes de notre propre succès! Les langues se déliant, les messages se faisaient de plus en plus critiques à l’égard des intervenants dont certains sont, soit d’anciens ministres, soit des directeurs généraux. Je ne voulais pas m’afficher en tant que meneur, mais j’ai dû balancer beaucoup de DM (Messages Privés) pour calmer certaines ardeurs. Non pas pour censurer qui que ce soit ou pour protéger un officiel, mais pour préserver notre espace de liberté de tweeter profitant de l’écran géant. Je n’ai pas réussi !

A la fin de la journée, on débrancha l’écran au motif que «ça distrait les gens». En réalité, une pression a été exercée sur les organisateurs pour stopper les vannes qui virevoltaient dans la salle. On continua toutefois à tweeter en «off». Si j’ai été en rogne un moment, j’ai fini par comprendre les jeunes organisateurs qui étaient à leur première expérience, désireux de n’agacer personne.

Aussi, de cette expérience, j’ai tiré quelques leçons.

  1. Aujourd’hui, Twitter est un outil quasi-indispensable pour des évènements de ce type. Choisir un hashtag unique et court, le communiquer à temps (bien avant l’évènement de préférence). Et La pub marchera comme sur des roulettes ;
  2. Quand vous choisissez d’afficher les tweets sur grand écran en utilisant une appli, il est utile de demander publiquement aux twittos d’être courtois au risque de gâcher la fête ;
  3. Enfin, le réseau de l’oiseau bleu, a des beaux jours en Guinée où beaucoup, et pas des moindres, sont encore bleus quant à son utilité et son utilisation.

 


Les leçons d’un «School Bus»

school-bus2-300x216Début juillet 2005. Ce sont les vacances. Après une année universitaire harassante dans un no man’s land nommé Hafia, à 20 km de Labé, j’étais aux anges de rentrer chez moi à Conakry pour profiter des 120 jours de repos auprès des parents. Je décidai de le faire en compagnie d’une beauté locale qui s’était trouvé une place dans mon cœur d’étudiant paumé depuis bientôt un an.

Gare routière de Labé-ville. Jour de départ. La miss était enchantée. Je voulais lui offrir, en dépit de ma galère, le luxe d’un voyage en taxi 505. Vous savez cet âne guinéen dont je vous parlais lors de mon voyage en Gambie ? En transport interurbain, il est moins têtu avec neuf places assises. S’il n’y a pas de passagers ronds, vous pouvez respirer un peu et surtout arriver tôt à Conakry, les chauffeurs avalant les quelques 400 km qui séparent les deux villes à la vitesse d’un avion supersonique.

Non, ma beauté «foutanienne» ne veut pas de taxi. Ce qu’elle veut, ce dont elle désire, c’est un bus. Un  «School Bus» pour être plus précis. Vous vous souvenez sans doute de ces bus jaunes de 14 m remplis de joyeux écoliers, affrontant les routes infinies des plaines du Mississipi dans les westerns américains. Eh bien, je ne sais par quel miracle ces bus, devenant un squelette ambulant, se retrouvent sur les routes déglinguées de la Guinée à transporter des grands-pères des gringalets américains. Toujours est-il que ces vampires d’un autre âge sont encore en service chez nous. Le choix de ma dulcinée portait donc sur un «School Bus», à mon corps défendant.

«Impossible, je ne voyage pas dans ça», fut ma première réponse. «Tu ne vois pas que le réservoir du bus est un bidon de 20 litres placé à l’intérieur à côté du chauffeur ? Il faut être vraiment fou pour embarquer dans une telle loque de bus», ajoutai-je, après un rapide tour du squelette.

«Ecoute Lim, j’ai toujours voyagé dans les taxis entre ici et Conkry, je connais aussi les minibus, c’est la première fois que je vais embarquer à bord d’un bus, s’il te plait offre-moi cette opportunité toi aussi. Je voudrais savoir c’est quoi la sensation de voyager en School Bus Labé-Conakry. Et puis, oublie cette histoire de bidon, même certains taxis en ont. D’ailleurs, tu ne vois pas qu’on n’est pas seuls à embarquer dans ce bus ? En plus c’est moins cher et on sera free dedans», argumenta-t-elle, me dardant un regard mi- plaintif, mi séducteur. Vous devinez bien que je finis par céder.

« D’accord, tu auras ta sensation, on embarque », prophétisai-je.

Embarquement. Je vous épargne le spectacle digne d’un départ du Titanic à la montée. Avaient pris place à bord entre 70 et 100 gaillards dans le petit espace qu’occupaient, jadis, une vingtaine de gosses de l’Amérique lointaine. Des hommes et surtout beaucoup de femmes venues s’approvisionner à Labé, si l’on en juge par leurs colis constitués d’énormes sacs de pomme de terre, de manioc, de mangues, j’en passe. On en avait tellement mis dans les entrailles du bus par les flancs, qu’il en recrachait. Le reste était parqué sur le toit du véhicule flanqué d’un énorme porte-bagages métallique. Des chèvres et des poules qui caquetaient complétaient l’Arche de Noé.

A 19 H, elle klaxonne et met le cap sur Conakry dans un nuage de fumée asphyxiante. Echange de regards inquisiteurs entre ma Princesse et moi, coincés à l’arrière du bus aux côtés de deux femmes plantureuses, sur un siège détraqué où pétait allégrement un seul écolier américain.

J’arrêtais pas de prier. Comme tout enfant de la Guinée profonde, on m’avait appris des versets coraniques à réciter en cas de danger. J’allais les exploser ce soir.

La première salve est partie à Pita, à 40 km de Labé. Les premières pluies de la saison avaient emporté le pont à la sortie de la ville. Fallait emprunter une déviation en terre latéritique d’une dizaine de km, véritable patinoire. Notre Arche de Noé exécutait une danse artistique qui me flanquait le tournis. Tout le contraire des femmes joyeuses qui avaient transformé le «School Bus» en une salle de classe bruyante. On sort de la piste grâce à mes versets ! Si, si j’en suis sûr…

Véritable tortue boiteuse, le bus roulait au pas de course. Vitesse à laquelle il entame la descente des montagnes de Yombokouré, entre Mamou et Kindia. En Guinée tous les voyageurs savent que Yombokouré est un campement d’Ajra-ïl, l’Ange de la mort. Il était 5 H du matin, un crachin (fine pluie) caressait le paysage. 90% des occupants du bus dormaient. A ce moment, je déroulais mes Ayatal Koursiou (versets) à l’envers. Parait que c’est plus efficace quand le danger est trop sérieux et imminent.

C’est au milieu de la première montagne que j’entends un choc. Pan ! Le bus dérape, quitte la route et pointe du nez vers le vide. Il s’arrête après quelques mètres de zigzag. Réveil spontané des dormeurs. Tout le monde me rejoint dans ma prière, chacun dans sa langue, dans une clameur assourdissante.

Je suis l’un des premiers à mettre pied dehors. Le bus avait heurté un camion-remorque conduit par un apprenti chauffeur et qui roulait au beau milieu de la chaussée. Le choc avait été si violent que l’arbre du volant de notre bus avait cédé, la roue de devant éclatée. Il s’était immobilisé à exactement 50 cm au bord du précipice ! Il était si proche de plonger dans le ravin qu’il fallait descendre doucement pour ne pas le précipiter avec les mouvements. Miracle ! Celui de mes versets, bien sûr.

A ma Princesse qui s’était réveillée par un « Han ! Lim, y a quoi», je jetai un regard incendiaire. «Voilà la sensation que tu voulais ! On a tous failli mourir ici à cause de toi.» Tout le monde était bouche bée devant la catastrophe qu’on a frôlée. Même les passants qui s’arrêtaient pour voir nous recommandaient de rendre grâce à Allah.

Ceux qui le pouvaient, comme moi et ma compagne, ont continué le voyage en taxi à leurs propres frais. Chauffeur, apprenti et locataire du bus s’étaient volatilisés dans la nature de peur qu’on leur réclame de rembourser le reste du trajet.

De ce voyage j’ai tiré des leçons. D’abord, je ne voyagerai plus jamais dans un «School Bus», même en terre américaine. Ensuite, j’ai compris que le Guinéen ne devait pas s’appeler Guinéen, mais le «Résigné», le «Docile», l’éternel «Avaleur de couleuvres», le «Paradoxal».  Celui qui est prêt à voyager dans de telles conditions, voire pire, au péril de sa vie mais qui est prêt à insulter ta mère parce que tu as dit du mal de son leader politique !

Un leader qui le livre régulièrement à des chacals prêts à le trucider par balles réelles lors des marches de protestation stériles. Un leader qui lui avait promis monts et merveilles qui, une fois au pouvoir, préfère se taper des safaris internationaux avec son argent, sans jamais dépasser la ville de Kindia. Pour qui l’intérieur de la Guinée est une terre ennemie où il ne faut jamais aller. Aucun risque donc de se tuer en «School Bus» dans un ravin.

J’ai compris enfin que le Guinéen qui se dit croyant est prêt à pousser son prochain en enfer. Il transporte son compatriote comme du bétail et fuit sa responsabilité quand celle-ci est engagée. Ces enseignements, je les ai définitivement intégrés.

Prudence.