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    Ma guinée plurielle
      Article : Elections législatives : le système électoral guinéen pour les nuls !
      Politique
      6
      31 août 2013

      Elections législatives : le système électoral guinéen pour les nuls !

      Crédit image: Edile.fr
      Crédit image: Edile.fr

      Sauf retournement spectaculaire de situation, – pas impossible –  les Guinéens se rendront aux urnes le mardi 24 septembre prochain pour élire les 114 députés de l’Assemblée nationale, 11 ans après le dernier scrutin législatif qui remonte au dimanche 30 juin 2002.

      Soit cinq ans de mandat légal pour les députés (2002-2007), et six ans de cafouillage électoral pour le pays (2007-2013) ; pouvoir et opposition se détestant cordialement.  Le 3 juillet dernier, les protagonistes guinéens, chaperonnés par la communauté internationale, ont signé un accord politique permettant d’aller, enfin, aux élections législatives.

      On y va donc le 24 septembre. Mais sait-on réellement pourquoi ? Les 5,3 millions électeurs que la CENI dit avoir inscrits font-ils tous la différence entre les deux scrutins : élection uninominale à un tour et liste nationale à la représentation proportionnelle ? Dans un pays où, selon les statistiques officielles, 72% de la population est analphabète, on peut raisonnablement douter.

      Personnellement, j’ai cherché à mieux comprendre et je partage.

      L’Assemblée nationale guinéenne, dont le rôle est le vote des lois et le contrôle de l’action gouvernementale, compte 114 députés élus pour un mandat de cinq ans renouvelable. Sur les 114, les deux tiers sont  élus sur une liste nationale et un tiers élu par circonscription.

      La Guinée compte actuellement 38 circonscriptions électorales représentées par les 33 préfectures du pays, plus les cinq communes de la capitale Conakry.

      Avant d’aller plus loin, précisons que tout citoyen guinéen présenté par un parti politique, sain d’esprit (quand j’écoute certains candidats battre campagne, je me demande si ce critère a été tenu compte pour ces législatives !),  jouissant de ses droits civiques, n’étant pas fonctionnaire de l’Etat (dans la circonscription où il se présente), n’étant pas militaire ou magistrat, peut être élu député.

      Le système électoral en Guinée est mixte sans compensation. En termes clairs, il combine deux scrutins distincts dont l’un ne compense pas l’autre. Chaque électeur votera donc pour désigner simultanément :

      • Le député de sa circonscription
      • Le parti politique de son choix

      A travers :

      • Le scrutin uninominal à un tour : littéralement, c’est un scrutin où on ne peut indiquer qu’un seul nom. Il est d’une grande simplicité. Le candidat ayant rassemblé le plus de voix dans sa circonscription est élu. Etant à un seul tour (contrairement à la présidentielle qui en a deux), une majorité relative de voix suffit pour gagner une élection. En cas d’égalité de voix entre deux candidats, le plus âgé l’emporte. Ce scrutin permettra d’élire donc 38 députés sur les 114 du parlement.  On vote plutôt pour un candidat que pour un parti politique.
      • Mode de calcul des résultats: le candidat qui recueille le plus de voix dans sa circonscription est déclaré vainqueur. Exemple : A, B, C sont candidats à l’uninominal dans ma circonscription, commune urbaine de Matoto (en réalité, ils sont au nombre de six pour ces législatives). A supposer que Matoto compte 10.000 électeurs. « A » recueille 3.000 voix, « B » 2.000 et « C » 5.000 voix. « C » est automatiquement déclaré vainqueur.

      • La liste nationale à la représentation proportionnelle : Dans ce scrutin, les électeurs votent pour un parti politique, puis les sièges sont attribués aux différents partis proportionnellement au nombre de voix obtenues. Les candidats sont élus dans l’ordre d’apparition sur la liste de leur parti. Deux tiers des députés doivent être élus avec ce scrutin, soit 76 députés. Un quota minimum de 30% est réservé aux femmes.
      • Mode de calcul : Un peu de maths, ma bête noire, pour comprendre. Ici, pour le calcul des résultats, on cherche ce qu’on appelle le « quotient » pour déterminer le nombre de voix requis correspondant à un siège de député. Simplifions : pour obtenir le quotient, on divise le nombre total de suffrage exprimés (nombre de votes moins les bulletins nuls) par le nombre de députés à élire.

      Exemple : Après le toilettage du fichier électoral de la CENI, supposons que celui-ci contiendra en définitive 5 millions d’électeurs et que le jour du scrutin, on fera comme les Maliens, 400.000 bulletins nuls (je crains le pire). Le suffrage valablement exprimé sera donc 4.600.000 voix à repartir aux 76 députés. Posons l’opération : 4.600.000/76 =  60.520,31 (quotient).

      En clair, dans notre exemple, pour obtenir un siège de député à l’Assemblée, chaque parti doit gagner 60.520 voix.

      Supposons qu’il existe 3 listes nationales, « A », « B », « C » (en réalité, pour les législatives du 24 septembre il existe officiellement 22 partis en lice, donc 22 listes avec un total de 1672 « députables »). On sait que chacune de nos listes « A », « B » et « C » doit obtenir un minimum de 60.520 voix pour prétendre envoyer un député concurrencer les artistes de tout poil à notre Palais du peuple omni-évènements (siège de l’AN).

      Au lendemain du 24 septembre, les résultats donnent : liste « A » = 2.000.000, liste « B » = 1.600.000, liste « C » = 1.000.000 de voix. Pour savoir le nombre de sièges obtenus par chaque liste, on divise le nombre de voix qu’elle a valablement obtenu par notre quotient (60.520). Ce qui donne dans l’ordre : « A » = 33,04 ; « B » 26,43, C  = 16,52. Mais la somme des députés (en oubliant les chiffres après la virgule) ne donnent pas 76 députés dont on a besoin (33+26+16 = 75).

      Alors, on fait recours à ce qu’on appelle la règle du plus fort reste. Ici, la liste « C » a le plus fort reste (0,52). Ce parti remporte donc le siège restant. En cas d’égalité du plus fort reste, le siège revient à la femme ou, à défaut, au plus jeune, suivant les listes.

      On obtient donc les 76 chanceux qui rejoindront les 38 autres issus de l’uninominal pour constituer les 114 députés qui vont être payés pour s’insulter cinq ans durant au perchoir (non je déconne, ils vont contrôler l’action gouvernementale !!!).

      Sans rentrer dans les détails des avantages et inconvénients de ce système électoral, on peut remarquer d’ors et déjà deux choses : la complexité du mode de calcul des résultats (pour la proportionnelle) rallongera le délai d’attente de ceux-ci. Ensuite, il a le mérite, du moins théoriquement, de rapprocher l’électeur de l’élu (uninominal) et de s’éloigner ainsi de l’ethnisation du scrutin.

      Les électeurs le savent-il ? Je doute. Une bonne partie de l’électorat rural, analphabète, ne fait aucune différence entre ces législatives et la présidentielle, croyant fermement qu’elles opposent une nouvelle fois les deux finalistes de l’élection de 2010.

      Pendant ce temps, les candidats se succèdent à la télé, que personne ne regarde faute de courant, pour nous lire leurs CV touffus, au lieu d’expliquer aux citoyens  comment voter.

      Le premier élu de ces législatives risque d’être le bulletin nul. Wait and see.

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      Article : Top 10 des fautes de français qui collent les Guinéens à la peau
      société
      47
      15 août 2013

      Top 10 des fautes de français qui collent les Guinéens à la peau

      Crédit visuel - Alimou Sow
      Crédit visuel – Alimou Sow

      Le français est la langue officielle de la République de Guinée. Il est enseigné à l’école et parlé par au moins 28% de la population estimée à 10,22 millions d’habitants et composée de multiples groupes ethniques auxquels il sert souvent de passerelle de communication. Contraint de s’adapter aux dialectes locaux, le français parlé en Guinée  est parfois serti des perles qui feraient se retourner Molière dans sa tombe !

      Voici le top 10 de fautes de français qui collent les Guinéens à la peau :

      #10 – Des tribus et des… lettres : en dehors des traits physiques et des langues respectives,  l’autre trait caractéristique des groupes ethniques de mon pays est leur accent quand ils parlent le français. Tout instituteur sait que l’exercice d’apprentissage de certains sons syllabiques français aux écoliers guinéens est un véritable cauchemar. Et ce, suivant les ethnies :

      • Les Peuls : le son «V» n’existant pas dans la langue Poular, faire dire à un Peul illettré  « Vélo », « Voiture », « Vote », est un réel casse-tête chinois. Il simplifiera en remplaçant le « V » par « W » (Ce qui donnera Wélo, Watir,  Wôté). Pareil pour le son « Ch », « Sch ». Il est plus aisé pour un Peul analphabète (ou pas) de tuer son unique vache à lait par un coup de fusil que de prononcer les mots « Chimie », « Châssis », « Schéma », « Psychiatrie », ou « Torche» !
      • Les Kissis : ces habitants du sud de la Guinée semblent avoir un sérieux problème avec le son «GR». Du coup, dans leur bouche le mot «Grave» devient parfois « Glave » ou « Clave ». D’ailleurs, l’oreille d’un Peul a toujours l’impression qu’un Forestier (Kissi ou Guerzé) a une braise dans sa bouche quand il parle !!!
      • Les Soussous : ce peuple côtier dont la langue est très parlée à Conakry la capitale sait pêcher du poisson, mais pèche dans la prononciation du son « Dia ». Les Soussous vexent souvent les « Diallo » et « Diakité » qu’ils appellent « Monsieur Yallo » ou « Madame Yakité ».
      • Les Malinkés : je ne connais pas un son précis que les Malinkés ne savent pas prononcer, mais ils ont le tic de transformer le mot « donc » en « Donkou » quand ils parlent. Et, soit dit en passant, personne au monde ne sait parler plus fort qu’un Malinké ou un Bambara du Mali (tous des Mandings). En Europe, quand deux femmes Malinkés entrent dans un train, le silence s’enfuit par les fenêtres !

      #9 – « Bonne voyage » : c’est une énigme. Personne ne sait pourquoi les Guinéens disent au voyageur « bonne voyage » alors qu’ils savent pertinemment que le nom « voyage » est masculin. La faute se retrouve même gravée sur des plaques situées au bord de la route.

      #8 – « Ça descend » : ce bout de phrase qu’on crie dans les transports en commun à Conakry est une traduction littérale en français de l’expression Soussou « ä goroma ». « Ça descend » ne signifie pas qu’un sac de riz descend, mais plutôt « arrêt demandé » ou bien « Je descends ».

      #7 – « Elle s’est accouché »: typique invention guinéenne, cette expression veut dire tout simplement «elle a accouché ». Tant pis pour ceux qui essaient d’expliquer que le verbe « accoucher » n’est jamais pronominal. Sans gêne on vous annoncera : « La femme de Fodé s’est accouché une fille ».

      #6 – « J’ai passé chez toi » : cette faute de conjugaison colle à la peau des collégiens guinéens comme leur tenue couleur kaki. La leçon portant sur « le verbe passer et les auxiliaires  être  et  avoir » ne passe pas du tout, visiblement.

      #5 – « J’ai intervenu » : même problème que précédemment à la différence qu’ici, élève et parent d’élève conjuguent le même auxiliaire « avoir » devant « intervenir » qui, normalement, s’accompagne du verbe « être ». « J’ai intervenu entre mon fils et son maître ».

      #4- « Idem que moi aussi » : les linguistes appellent ça une tautologie, ici on s’en fout. Dialogue  sur la route de l’école : « Mon ami, j’ai faim ». « Idem que moi aussi» !!!!

      #3- « Je les ai dit » : ce problème grammatical hante étudiants, cadres, journalistes et même des hauts dignitaires du pays. Beaucoup n’ont jamais su faire la différence entre les déterminants « le, la, les» et les pronoms personnels « la, lui, leur ». Parait que même en Conseil des ministres on peut entendre dire : « Il faut la donner ce dossier » !

      #2 – « Je vais me déjeuner » : cette formule qui ferait danser d’étonnement l’excellent Ivan Amar de RFI, est une autre traduction littérale de l’expression soussou « N’khassa n’dèyba » (Je vais prendre mon petit déjeuner ». Matin de bonne heure, tu entends un gaillard dans les bas-fonds de Kindia, assis devant un faramineux plat de Foutty, annoncer : « Je vais me déjeuner » !

      #1- « Faire partir » : la palme d’or revient à cette faute de français devenue un classique mêmes dans  nos amphithéâtres. Au collège, les profs ont enseigné que « quand deux verbes se suivent, le second se met à l’infinitif ». Alors beaucoup pensent que dans cette expression « faire » est suivi du verbe « partir » alors qu’il s’agit du nom commun féminin singulier « Partie ».

      Faites-vous partie de ceux qui ne commettent pas ces fautes ? Connaissez-vous d’autres ? Je vous laisse la main pour les commentaires ; en attendant, je vais ME déjeuner !!!

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      Article : Hôpital de Donka, ce grand corps malade du système de santé guinéen
      Santé
      14
      4 août 2013

      Hôpital de Donka, ce grand corps malade du système de santé guinéen

      CHU Donka- Crédit photo: Alimou Sow
      CHU Donka- Crédit photo: Alimou Sow

      C’est une insupportable rage de dent qui m’a fait pousser les portes de Donka. J’y suis ressorti la rage au ventre !

      Le service dentaire du Centre hospitalo-universitaire (CHU) de Donka, l’un des deux plus grands établissements sanitaires de la Guinée, ressemble plus à une forge qu’à un  centre de soins pour dents. On y retape les gueules presque au marteau !

      Après avoir franchi l’imprenable grille de l’entrée principale de l’hôpital, le patient arrive au service dentaire en suivant l’une des interminables coursives qui bordent les bâtiments décatis du CHU.

      A droite, une inscription décolorée au dessus d’une porte ouverte annonce le cabinet dentaire. Dedans, une antichambre grosse comme un mouchoir de poche au milieu de laquelle impatientent des patients entassés sur des fauteuils en lambeaux. Mines serrées, les-bouches-enflées se font la gueule dans un silence pesant.

      Ce matin-là, tout le monde se tenait le nez entre le pouce et l’index. Une odeur fétide empeste l’atmosphère plusieurs mètres à la ronde. Une rigole passe juste derrière la fenêtre de la petite salle. Les canaux d’évacuation des eaux usées de Donka sont bouchés, m’explique-t-on. Une grosse mouche verte vient vrombir à l’intérieur de la pièce comme pour confirmer l’information.

      Derrière une porte couverte de crasse, comme les murs intérieurs, les médecins dentistes burinent. Une spatule et une lampe torche pour inspecter l’intérieur de la bouche. Le courant électrique a déserté l’hôpital depuis plus d’une semaine. Sans gants, le dentiste me fait apprécier le goût salé de ses doigts qu’il plonge dans  ma bouche en même temps que des boulettes de coton pour essayer de la maintenir ouverte. J’ai failli gerber. Mais, ma pire crainte était de choper une maladie nosocomiale pour une simple rage de dent.

      A propos de Donka, il se raconte des histoires à dormir debout : des femmes qu’on gifle dans les salles d’accouchement de la maternité, des malades que des médecins laissent trépasser parce que non accompagnés aux urgences et, plus hallucinant, des corps qui se décomposent faute de courant électrique dans la chambre froide de la morgue de l’hôpital.

      Le seul capitaine à bord du bateau Donka, envasé dans la misère et la corruption, c’est l’argent. Le racket commence dès la grille d’entrée où son postés des agents qui filtrent les entrées par des billets de 5.000 ou 10.000 GNF. Au vu et au su de tout le monde. Les médecins ne font pas mieux. À quelques rares exceptions, le sermon d’Hippocrate ne vaut pas mieux que du papier-toilettes ici. 

      Dans cet hôpital public construit en 1959 par l’aide de l’Union soviétique, l’urgence c’est l’argent. Vous payez, vous êtes soignés avec les moyens du bord, sinon vous partez les pieds devant.

      Il y a 17 ans, en 1996, le cinéaste Thierry Michel a posé ses caméras à Conakry pour filmer la douleur de Donka. Six mois durant, il scrute le travail des médecins souvent vénaux et l’agonie des patients démunis. Le résultat est une radioscopie d’un hôpital africain (1H25’), film documentaire qui a fait une belle moisson des prix depuis.

      Le film de Thierry s’ouvre sur les gémissements d’un homme foudroyé par une crise de méningite. Il a été ramassé au marché et jeté aux urgences de Donka, sans accompagnateur. Les médecins refusent de le toucher – et le disent dans l’objectif de la caméra – préférant attendre les parents du patient qui ne viendront jamais. Il rend l’âme à la tombée de la nuit.

      Un drame parmi tant d’autres qui n’ont pas, eux, le privilège d’être filmés.

      Laissé à lui-même à travers une gestion qui se veut autonome, Donka, comme la plupart des hôpitaux du pays, constitue le dernier recours des malades minés par la misère. Conséquence : l’hôpital est devenu un mouroir. Le documentaire révèle qu’en 1996 au service réanimation, le taux de mortalité était de 75%.

      Mais Donka  est loin d’être une exception. À Ignace Deen, l’autre grand hôpital situé à moins de cinq km de là, le service neurologie ne dispose même pas d’un scanner !

      Avec  ça vous vous demandez encore pourquoi nos chefs préfèrent aller mourir dans les cliniques aseptisées du Royaume chérifien?

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      Article : Les «brouteurs» ivoiriens dans la prairie guinéenne
      Nouvelles Technologies
      4
      27 juillet 2013

      Les «brouteurs» ivoiriens dans la prairie guinéenne

      Crédit image: FranceTv info
      Crédit image: FranceTv info

      A Abidjan, mon pote serait passé pour un «Gawou». A Conakry, c’est quelqu’un qui a failli ruiner sa mère.

      Mon ami est chômeur. Il cumule déjà près de cinq ans d’ancienneté dans ce métier qu’il a embrassé dès sa sortie d’université, affublé d’un diplôme de gestionnaire d’entreprise qui est en train de jaunir sous le matelas de son lit grinçant.

      Le plancher de sa chambre est jonché de photocopies de son CV et des lettres de motivations qu’il ne cesse d’inonder les rares entreprises qui publient des annonces de recrutement. Même si ce recrutement concerne des plombiers ou des manutentionnaires, mon pote gestionnaire, veut tenter sa chance. Il «dépose», comme on dit ici. Son seul objectif est de changer de statut : passer de chômeur à salarié, même payé au lance-pierre.

      En cinq ans d’expérience de recherche, il a fignolé son CV, répondu aux annonces dans la presse écrite, expérimenté les recommandations, usité les tuyaux (les fameux « bras longs »), investi les réseaux souterrains pour entrer dans la fonction publique, etc., mais que dalle.  Mon pote reste chômeur usant le fond de sa culotte sur des bancs en bois et noyant ses soucis dans du thé sous le manguier.

      Alors il décide de se moderniser et de passer ainsi de chercheur de job ordinaire à chercheur de job 2.0. On lui a soufflé qu’en la matière, internet et les réseaux sociaux surtout, constituent un piédestal pour atteindre le graal : décrocher un taf ! Il file tout droit ouvrir une adresse mail et crée, dans la foulée, un profil Facebook. De toutes les manières, à défaut de trouver un job, c’est un moyen pour se faire des amis et échanger.

      Mon ami sera servi.

      Quelques mois après l’ouverture de son compte Facebook, il se fait des amis, naturellement. Parmi eux, UNE amie, Angélina dont il a accepté la demande d’amitié la bouche entrouverte, le cœur battant la chamade.  La photo de profil d’Angelina montre une débauche de beauté et d’élégance à l’état pur. Rien que pour chater avec elle, mon pote était capable de lécher les bottes du gérant du cybercafé de son quartier devenu son nouveau QG qu’il ne quitte que pour aller manger, prier ou pisser.

      Un jour la «go» lui demande s’il taffe, il répond que NON !!! «Elle» lui révèle qu’elle bosse pour une institution internationale qui était, justement, en train de recruter des jeunes gens à envoyer d’abord à Londres pour formation, tous frais payés. Elle promet, en tant que chef de service du département ressources humaines, qu’elle donnera un coup de pouce à sa candidature. Mon pote jubile et jure que son heure de gloire est arrivée et que son étoile va bientôt briller dans le ciel lugubre du désespoir.

      Son amie Facebook lui balance l’avis de recrutement sur son mail qu’il télécharge et imprime dans le plus grand secret. Il remplit tous les formulaires avec le plus grand soin et applique une nouvelle cure d’esthétique à son CV déjà joli.

      Il s’apprête à tout renvoyer par mail à sa bienfaitrice d’amie, quand il reçoit un message de celle-ci précisant que le dossier doit être acheminé non pas par mail, mais par la poste, accompagné d’un billet de…  100 euros !!! Un petit doute veut s’incruster dans son esprit. Il le chasse très vite devant la perspective de révéler à ses potos du carré, et surtout à sa copine, qu’il doit aller à Londres pour une formation assortie d’un CDI dans une institution internationale.

      Cent euros c’est une fortune pour un chômeur patenté comme lui, mais il va les trouver.

      Il rentre à la maison en haletant : « Maman, je sais que tu ne me crois plus mais cette fois-ci ton fils a une occasion en or pour voyager et surtout trouver un bon emploi. Mais j’ai besoin de l’équivalent de 100 euros, c’est-à-dire neuf cent mille francs guinéens. Prête-les moi, s’il te plait maman».

      La vieille cède, voyant les diamants qui brillent dans les yeux de son fils chômeur, fumeur, et buveur de thé, etc. Véritable calamité pour sa porte-monnaie.

      Il convertit les neuf cent mille francs de la maman en un billet brillant de 100 euros qu’il entend poster à une certaine Angélina, rencontrée sur Facebook mais directrice de ressources humaines dans une institution internationale.

      C’est pile au moment où il achetait les timbres postes pour affranchir le dossier, qu’il reçoit un appel affolé du seul ami qu’il avait tenu à informer de son coup de chance.

      Arrête tout, c’est une grosse arnaque.

      Je venais de me rendre compte, en effet, que le fameux avis de recrutement que j’avais demandé à mon ami de m’envoyer pour étude, était une grossière imitation cousue de fautes de français. Un vrai faux avis comme j’en trouve des dizaines dans le dossier Spam de ma boite électronique.

      Une semaine après ce sauvetage in extremis, une voisine m’appelait matinalement pour m’annoncer qu’elle pensait avoir remporté le jackpot du loto d’un opérateur local de téléphonie mobile. Je n’ai pas eu de la peine de découvrir l’arnaque dès qu’elle m’a narré le procédé de son interlocuteur : envoyer les numéros de série de plusieurs cartes de recharge pour récupérer son cadeau.

      Deux cas sur des centaines de procédés d’arnaque, devenus des banalités ailleurs, que mes compatriotes guinéens expérimentent depuis quelque temps. L’internet mobile et les plans promotionnels d’entreprises de jeux et de téléphonie commencent à arriver dans les foyers. Les «brouteurs» ivoiriens, ces fameux arnaqueurs sur le web, en profitent pour débarquer dans la prairie guinéenne encore toute fraîche.

      Pour vous en premunir, voici le site ivoirien de la Plateforme de Lutte Contre la Cybercriminalité – PLCC

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      Article : La Guinée, terre de superstitions !
      société
      13
      21 juillet 2013

      La Guinée, terre de superstitions !

      Crédit image -etudiantguinee.org
      Crédit image -etudiantguinee.org

      Une secousse tellurique de magnitude encore inconnue a ébranlé, samedi 20 juillet 2013 à 21H33,  la capitale Conakry et une bonne partie de la Basse Guinée, jusqu’au Fouta oriental. Une secousse d’environ cinq secondes, suivie de deux répliques espacées de quelques minutes. Petite panique dans les concessions, mais aucun dégât, ni de blessé signalés pour le moment.

      Ça, c’est ma version personnelle. Y’en a qui vous diront que la terre a tremblé pendant au moins cinq minutes et que tous les membres la famille ont dû soutenir le toit de la maison par la force de leurs bras pour l’empêcher de tomber…

      Si la magnitude du séisme est encore inconnue, l’onde de choc produit sur Facebook doit être de 9,5 degrés sur l’échelle de Richter !  La petite secousse de Conakry a produit un vrai tremblement sur ce réseau social dont les Guinéens sont particulièrement friands.

      Quelques secondes ont suffi pour que les murs soient inondés de messages annonçant la nouvelle ; et surtout les conséquences de celle-ci. Et c’est  ce qui m’intéresse ici.

      C’est connu : un tremblement de terre est loin d’être un fait anodin. Et quand celui-ci se produit en Guinée, il prend les couleurs nationales. Surtout le rouge, synonyme de sang, de catastrophe, de mort. Celle du grand Chef !

      La secousse de ce samedi nuit n’a pas échappé à la règle. Passés la frayeur, les jurons et la réaffirmation de la foi en Dieu le Tout Puissant (qu’est ce que les gens sont pieux dans le malheur !), les interprétations ont suivi. Elles convergeaient toutes vers un épicentre convenu : un séisme est un signe prémonitoire infaillible de la mort d’un chef, du Grand Chef en l’occurrence. La rumeur a voyagé à la vitesse des SMS et appels téléphoniques ayant suivi la secousse.

      Dans les quartiers de Conakry comme sur Facebook, les géophysiciens spécialistes des interprétations sismiques ont, en un temps deux mouvements, tracé un maléfique triangle équilatéral : le tremblement de terre du samedi, les affrontements interethniques de N’Zérékoré, et le fait que la fête l’Aïd-el Fitr qui marque la fin du mois de ramadan 2013 tombe un vendredi. La conclusion est sans appel : un grand quelqu’un va mourir cette année !

      Les vieilles personnes, sur le visage desquelles on peut lire une certaine inquiétude, ont la certitude de cette issue maléfique. On les comprend quand on regard dans le rétroviseur.

      Le 22 décembre 1983 un tremblement de terre de magnitude 6° a secoué la partie Nord-Ouest de la Guinée,  notamment à Gaoual à 400 km de Conakry. 143 morts autour de l’épicentre situé dans la localité de Koumbia et d’énormes dégâts matériels avaient été enregistrés, les cases en banco s’étant effondrés comme un château de carte. La cata.

      Je devais avoir deux ou trois ans à l’époque. Mais ce n’est que 18 ans plus tard, au lycée, que j’ai compris, et fini par admettre, que ce n’était pas la Terre entière qui avait tremblé en 1984 ! Car ceux qui avaient vécu cet épisode sismique en parlaient (en parlent encore) comme une apocalypse en y mettant des effets spéciaux à faire pâlir de jalousie les scénaristes du film Volcano !

      Et le verdict tomba comme un couperet trois mois plus tard : le 26 mars 1984, le président de la République socialiste et Révolutionnaire de Guinée, Ahmed Sékou Touré, meurt aux Etats-Unis ! Les médecins de l’hôpital de Cleveland où il rendit l’âme concluent à une crise cardiaque. Les Guinéens, dans leur écrasante majorité, savaient que c’est le tremblement de terre de Koumbia qui avait eu raison du dictateur Sékou Touré. Ou, en tout cas, l’avait prédit.

      Mon esprit cartésien cimenté par 17 ans de formation à l’école occidentale souffre assez souvent des superstitions de certains compatriotes. Récemment, une amie s’évertuait à me convaincre que sa copine a un mari de nuit qui l’habite et qui la fait délirer. Mon amie connait le nom du diable, ses intentions, ses capacités de nuisance, etc. Bref, ses moindres faits et gestes. Le tout, dans un monde métaphysique insaisissable pour moi.

      Elle est autant convaincue de tenir la vérité sur l’origine des problèmes psychiques de sa copine, que moi de son immense erreur. Question de conviction.

      Mais ceci n’est qu’un simple exemple de l’interminable série de signes annonciateurs de bonne ou de mauvaise nouvelles auxquels les Africains, les Guinéens en particulier, croient foncièrement : un oiseau qui chante une belle mélodie à l’orée du village signifie un ressortissant qui rentre de l’aventure ; un hibou qui ulule sur le toit d’une maison = un malheur proche ; une couronne se forme autour de la lune = un chef va mourir ;  la paume de la main qui démange = signe d’un gain d’argent rapide (équivaut à rêver de caca) !

      Vous avez dit superstition ? 

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      Article : Où vas-tu donc, étudiant guinéen ?*
      Education
      19
      18 juillet 2013

      Où vas-tu donc, étudiant guinéen ?*

      Étudiant guinéen - Crédit photo: Alimou Sow
      Étudiant guinéen – Crédit photo: Alimou Sow

      C’est ton jour. Celui que tu attends depuis bien longtemps. Depuis deux  mois. Depuis trois ans. C’est le jour de la proclamation des résultats du Baccalauréat. Tu es déclaré admis !

      Tu t’en fous de la mention, encore moins de ton rang. T’as vu ton nom, ton PV, ton école d’origine. C’est bien toi. Le reste n’est pas important. La joie t’envahit. Tu souris, tu ris. Tu sursautes, cries, passes des coups de fil de gauche à droite, distribues des SMS à tout va. T’en reçois.  Amis et parents te complimentent, te congratulent. Tu en es ravi. Fier.

      Passera ? Passera pas ? Deux longs mois, depuis la tenue du Bac., que tu te poses ces questions. Des nuits blanches que tu repenses à la manière dont tu as traité telle ou t elle épreuve. Des jours entiers que tu pries, implores le Tout Puissant d’exaucer ton vœu : celui de te donner le Bac. Tu l’as, ton bac. Tu dis Alhamdoulillahi. Bien que t’avais jeté un furtif coup d’œil sur la copie de ton voisin. Mais ce n’est pas ça tricher, tu  n’avais pas d’antisèche sur toi. Ils ont dit «tolérance zéro», t’as respecté. Zéro faute.

      Tu repenses à l’année scolaire qui a été longue et mouvementée, comme toutes les années  en Guinée. Dirigeants et Opposants, qui se détestent cordialement, ayant définitivement pris en otage la vie sociale du pays avec leur maudite politique. Tu revois le long chemin parcouru, les tonnes d’exos traités, les révisions, les séances de lecture au bord de la mer, sous les lampadaires de la station-service du coin, à la lumière blafarde d’une lampe chinoise ou d’une bougie tueuse.

      Tu te repasses le film de tes longues journées de lycéen paumé. Obligé parfois de taper le Kanda (jeu) pour compléter le transport, d’aider la Vieille à écouler ses beignets ou ses haricots pour trouver le prix des cahiers, du table-banc. Pour assister le prof qui se marie, celui qui a un baptême, celui-dont la femme est malade, la directrice qui part encore «en mission». Tu revois tout cela, tu souris. Tu te dis que c’est fini. T’as relevé le défi, franchi le cap. Contrairement à certains potes, pleins de remords, d’amertume que le Bac. a malheureusement laissés.

      Tu es désormais un étudiant. Adieu, le bleu-blanc. T’es devenu un grand. Bientôt on t’orientera. L’université. Là où les potes sont plus cools, les profs plus pro, les filles plus sexy, vu qu’elles ne sont pas en tenue. Tu jubiles. Si t’es lauréat, t’iras au Maroc : Casa, Rabat, Mohamedia ou Marrakech. Ce sera chouette. Si t’es pas lauréat, c’est pas grave. Dans un an ou deux, tu t’inscriras sur Campusfrance pour aller étudier en France. Là-bas ça bosse bien. Tu le sais, on te l’a dit. Tes frères partis, ne sont pas encore revenus, mais leur profil Facebook parle pour eux. C’est tentant.

      Mais décevants, risquent d’être tes rêves jeune frère. Chiant ton quotidien.

      Ça commencera quand on t’orientera à l’intérieur du pays si tu bossais à Conakry. Faranah, Kindia, Kankan, Boké, Labé, ou N’zérékoré. Mais t’avais déjà entendu parler de ces coins où les étudiants ont pour fidèles compagnes la faim et la mangue. Tu entres en rébellion, mets en branle tes relations. Tu recours à la corruption pour désorienter ton orientation. C’est Conakry ou rien. Après quelques remous, des va-et-vient, beaucoup de billets de banque, tu obtiens gain de cause. Tu restes à Conakry, la capitale. T’iras à Gamal ou Sonfonia, à défaut d’une université privée comme Ghandi ou Kofi.

      Bonjour la galère, la chaleur, les embouteillages, les cafouillages, les amphis pléthoriques. Tu découvres le système LMD pour lequel tes amis te traduiront : Laisse-moi Me Débrouiller. Tu plonges dans les petites combines pour avoir des notes, pour éviter la seconde session. Tu redécouvres également les NTS, les Notes Sexuellement Transmissibles. Tu pénètres le monde des pécules impayés, des programmes bâclés, jetés par la fenêtre par des profs incompétents, des encadreurs arrogants et méprisants. Tu expérimentes les grèves étudiantes, t’encaisses les mesquineries, les jalousies, les hypocrisies et les délations de tes propres potes. Tu troques ton plat de «Lafidy» matinal contre du gaz lacrymal que viendront vous distribuer régulièrement les chacals de la police et de la gendarmerie. Tu goûtes aux délices de la matraque et du brodequin.

      Là t’es devenu étudiant. Un vrai. Mais un matin tu dis «assez» ! Et tu décides de tenter ta chance sur Campusfrance. Deux mois de galère à entrer des notes sur un site rebelle, à photocopier, légaliser, téléphoner, t’aligner, te bousculer au CCFG pour déposer ton dossier et passer un entretien. Tu gardes dans un coin de la tête que ton oncle ou ta tante vont te prêter les 7.000 euros exigés comme caution pour la première année d’études.  Ils te l’ont promis. Admission et rendez-vous à l’Ambassade obtenus, on t’apprend que «nous ne pouvons pas te payer tout cet argent» ! Tu déchantes, redescends sur terre et entre en rogne. T’iras pas en France, pas cette année.

      Retour à la case départ. Gamal. T’auras perdu la moitié de l’année, t’es en session dans au moins trois matières, t’auras surtout contribué à gonfler le compte bancaire de Moustapha Naïté, en réactualisant tes pauvres 5.000 GNF durement gagnés dans son cybercafé poussif de Mouna.

      T’en veux à tout le monde.  Tu te démerdes maintenant pour obtenir ton diplôme de fin d’études pour foutre le camp d’ici. Quatre ans pour un carton de Licence qu’on te balancera à la figure. Que les entreprises te refourgueront à leur tour. «Formation inadéquate» qu’on te signifiera.

      Après avoir griffonné des tonnes de lettres de motivation et CV, envisagé l’aventure, essayé le marché Madina (Bordeaux), tenu un télé-centre de quartier, déterré tes anciens talents de coiffeur, crié ta colère dans la Grogne Matinale sur Soleil Fm, tu reprendras ton souffle sous le manguier pour chercher une certification à la préparation du thé. Tu deviendras un inconditionnel de GuinéeGames ou replongeras dans le Kanda pour gérer le quotidien stressant. Les gos te fuiront, te trouvant radin et pas «classe». C’est le clash.

      Véritable desperado des temps modernes, tu deviendras «bambétocosable», «autoroutable», proie à toutes les tentations politiques. C’est pas grave, tu cherches encore ta voie, Etudiant guinéen.

      * Cet article été préalablement publié en juin 2012 sur mon autre blog.

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      Article : Le Prix du «Meilleur blog francophone» expliqué aux Guinéens
      Nouvelles Technologies
      9
      3 juillet 2013

      Le Prix du «Meilleur blog francophone» expliqué aux Guinéens

      Certificat du Meilleur blog francophone - Crédit photo: Alimou Sow
      Certificat du Meilleur blog francophone – Crédit photo: Alimou Sow

      Depuis le 7 mai 2013, je suis devenu un homme riche. Très riche. Immensément riche ! Je pèse combien ? Cinq mille, dix mille, cent mille, peut-être même … un million d’euros ! Merci à la Deutsche Welle. Que dis-je, merci à la calculette magique.

      Le 7 mai dernier, le blog que vous lisez a été désigné « Meilleur blog francophone» 2013 du concours des Best of Blogs de la Deutsche Welle à l’issue du vote du public. L’annonce de cette victoire m’a fait passer instantanément, dans la tête de certaines personnes, du statut de blogueur à celui de «démarreur» et, à Conakry quand on dit de quelqu’un qu’il démarre, n’allez pas croire qu’il fonctionne au diesel hein; comprenez que l’intéressé est plein aux as.

      La calculette interne de certains compatriotes m’a hissé au prestigieux rang de ceux qui ne connaissent pas la boue hivernale, la chaleur et les moustiques-drones de Conakry ; de ceux pour qui les taxis-fours, les petits déj’ au pain farci de haricot noir, les longues journées sans eau et les interminables nuits sans électricité ne sont que des légendes urbaines des temps modernes.

      Je peux donc renouveler ma garde-robe aux Galeries Lafayette à Paris, me taper des grasses mat’ à la chaine, niquer mon boulot pour aller racheter des actions à la bourse de New York, me faire une Bentley et drainer un harem des plus belles nanas du pays. Puisque je suis devenu un Crésus local, dans leur imagination.

      Les calculs estimatifs sournois ont commencé bien avant l’annonce des résultats du vote du public. Y en a qui ont fait recours à l’allusion :

      Jeune homme, on a appris la bonne nouvelle, on va voter pour toi. Si tu gagnes, puisque tu gagneras, j’imagine que tu n’iras pas en Allemagne pour rien ?  Sous entendu : Combien s’élève le montant que tu iras chercher en Allemagne ? J’ai esquivé.

      Quand les résultats sont tombés, les enchères ont monté d’un cran. Mes titres aussi. « Le boss », « Le Grand », « Le Big » me gratifie-t-on. A chaque fois, je formule une prière : « ne me vendez pas aux bandits armés de Conakry, please » !

      Puis sont arrivées les mises en garde à peine voilées :

      Tu fais notre fierté Alimou, mais petit on est là  hein, et on t’a vu grandir. Traduisez : «nous avons participé à ton éducation, nous attendons notre part de ce que tu vas percevoir». Je me fends d’un sourire gêné.

      La médiatisation de la victoire ne m’a pas servi sur toute la ligne. En rentrant du boulot, je croise un vieux dans mon quartier, transistor collé à l’oreille. Il fonce sur moi comme une rapace, se plie en deux et décrète à mon intention en faisant de grands gestes :

      Mon fils, j’ai entendu ton nom ici, dans ma radio! Je te bénis, tous les sages d’ici te bénissent. Vraiment, tu fais notre fierté. Mais cherche à augmenter les bénédictions hein ?

      D’accord papa.  Mais ne croyez pas que ce prix soit….. Il me coupe court:

      Laisse tomber « Mignan » (petit-frère)! Quand le Blanc parle de Prix, ce qu’il y a de quoi. On connait, on a tout entendu, tu as gagné le meilleur Prix, alors n’essaye pas de brouiller les pistes.

      Je ravale mon explication.

      A vrai dire, le mot « Prix » qui accompagne ce titre de meilleur blog francophone est une épine dans mon pied.

      Sous nos cieux, «Prix», comme dans prix du pain, prix du sucre, prix du Cola, évoque directement des espèces sonnantes et trébuchantes. Alors n’essayez pas d’expliquer à un analphabète que gagner un prix ce n’est pas gagner de l’argent liquide. Que c’est juste un titre honorifique, un carton, un papier. Mieux, une simple dénomination. Vous passerez pour un menteur patenté. Pire, un radin qui ne veut pas partager !

      D’ailleurs chez nous, les policiers sont les premiers à vous signifier que «c’est pas papiers qu’on mange». Et les vendeuses de beignets, elles, savent que c’est DANS papiers qu’on mange… leurs beignets ! Franchement, je n’aimerais pas être un livre en Guinée…

      Dans ce cas, comment faire comprendre que ce prix du meilleur blog francophone n’est pas le Mo Ibrahim ? Qu’il n’y a aucune rémunération pécuniaire qui s’y rattache et que la seule chose qui le matérialise est un certificat accompagné d’un mini-lecteur MP3 offerts par la Deutsche Welle (innovation 2013) ? Comment convaincre que le voyage de douze jours que j’ai effectué en France et en Allemagne, mi-juin, a été entièrement pris en charge par l’Institut Français de Paris et non pas par la Deutsche Welle qui ne convie pas les gagnants de la catégorie langue ? Tout un programme…

      Je suis conscient que partager reste une valeur cardinale sous les tropiques et que créer une fondation, quand on est riche, pour défendre une cause ou lutter contre un fléau est une action hautement gratifiante. Mais nous n’en sommes pas là avec ce Prix. Peut-être un autre dans un futur proche. Qui sait? Celui-ci récompense près de trois ans d’efforts accomplis dans des conditions pas souvent optimales. Il est comme il est: nu, modeste et simple comme un clic! Et je l’aime ainsi.

      Sa particularité réside cependant dans le fait que c’est VOUS, chers (é)lecteurs, qui me l’avez offert. La Deutsche Welle n’a fait qu’entériner votre choix. Alors vous savez de quoi il est fait, pas besoin d’explication (sic).

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      Article : Cologne: l’eau, les trains et les… poubelles
      Voyage
      6
      26 juin 2013

      Cologne: l’eau, les trains et les… poubelles

      Un Thalys en gare du Nord - Crédit photo: Alimou Sow
      Un Thalys en gare du Nord – Crédit photo: Alimou Sow

      De Cologne, je ne connaissais que la fameuse eau éponyme. Maintenant j’en sais un peu plus sur ses trains et ses… poubelles.

      Cologne, cette ville allemande de fondation romaine que j’ai traversée dans un premier temps et visitée pendant quelques heures ensuite, me laisse une impression mitigée. J’adore sa majestueuse cathédrale au style gothique, les ruelles de la vieille ville aux pavés centenaires; mais aussi et surtout son parfum mythique à la senteur exquise. Par contre, je déteste ses trains parfois bondés et pas toujours (ou trop) à l’heure (en tout cas pour les miens).

       Pour les poubelles de la gare centrale c’est plutôt tragi-comique.

      En provenance de Paris, j’atterris pour la première fois à Köln HBF (Gare centrale de Cologne) ce lundi, 17 juin 2013. Je suis en route pour Bonn où je dois recevoir mon certificat de « Meilleur blog francophone » des Bobs 2013, grâce à l’Institut Français de Paris. Mon train de correspondance est en retard de 35 minutes, temps que je consacre à admirer le sublime tableau qu’offre l’été allemand en termes d’habillement pour les filles! Tennis, T-shirts et petites culottes ou collants transparents qui laissent découvrir des cuisses partiellement bronzées.

      Je détourne mon regard de musulman pour le plonger dans… les poubelles installée sur les quais de la gare. Une espèce de borne futuriste en forme de frigo (oubliez le maudit frigo) sur laquelle des inscriptions invitent à classer les déchets selon leur nature dans des compartiments prévus à cet effet. Plutôt pratique, mais rien de révolutionnaire en soi (voir photo ci-dessous).

      Le truc révolutionnaire c’est qu’en moins de cinq minutes j’ai vu trois mecs mal fagotés visiter successivement une poubelle, non pas pour y déposer des ordures mais pour en prélever! Ils sont munis de petites torches pour lorgner les coins sombres de la poubelle à la recherche des restes d’aliments ou de quelques centilitres d’alcool dans les bouteilles jetées. Un choc pour moi! Avec ça quand je pense qu’en Afrique (pas seulement) il existe des suicidaires prêts à affronter la Méditerranée à la nage pour rejoindre l’Europe… Je chasse rapidement l’idée de ma tête. De toutes façons, à chacun ses oignons.

      Pour l’instant, les miens sont les trains. Je rattrape ma correspondance pour Bonn aux forceps. C’est un peu la cohue pour monter. On se marche dessus. Debout, j’arrive à me caser entre une blonde et un jeune hippie zébré de tatouages. Collé-serré. La chaleur est étouffante. Ça me rappelle un peu Conakry Express, le seul et unique train de transport que compte ma capitale (l’insigne « Siemens » en moins dans les wagons). Attention, avec celui-là 35 minutes de retard c’est pile à l’heure! Oubliez le mot « Express ». Et si vous râlez, allez prendre un Magbana.

      Après trois jours de conférence à Bonn couronnés par la remise des prix aux lauréats des Bobs, une amie me fait visiter Cologne sur le chemin de retour pour Paris. Comme tout étranger, c’est l’eau de Cologne, la célèbre marque de parfum qui porte le nom de la ville, que je veux renifler en premier. Beaucoup de voyageurs se rabattraient sur la célèbre bouteille N°4711 dont l’enseigne est estampée sur le toit de la gare centrale.

      Mais mon guide connaît mieux: Farina 1709.

      On fait une descente dans l’antre de Farina, la plus vieille Maison de parfum au monde. La beauté du décor est à tomber par terre. Du parfum. Des bouteilles. De toutes les formes, de toutes les tailles, de toutes les bourses. Je me ravitaille, je m’enivre et je voyage dans le temps.

      J’apprends, en effet, que c’est en 1709 que le parfumeur italien Jean Marie Farina s’installa à Cologne pour distiller de l’eau de vie à la senteur incomparable, appelée ainsi « Eau de Cologne » par les soldats français qui revenaient de guerre et qui contribuèrent à populariser la marque de l’Italien. Trois-cent quatre ans plus tard, un blogueur guinéen de passage à Cologne rapporte plusieurs fioles dans sa Guinée natale. Farina ne se l’imaginait probablement pas.

      Moi non plus, pour la suite de mon voyage pour Paris au quai N° 8 de la gare. Enivré d’eau de Cologne, je mets à profit l’heure d’avance sur mon train pour faire du lèche-vitrines sur la principale artère commerçante de la ville. Je suis bluffé par la différence des prix avec Paris. C’est nettement moins cher ici de façon générale. La beauté des articles, la lumière et les vitrines aseptisées donnent envie de casser sa tirelire. Le consumérisme a pris le dessus par ici, me disais-je.

      Plongé dans ces réflexions mercantilistes, je ne vois pas le temps passer, ni l’orage qui éclate soudain. Valse des parapluies. Je rejoins la gare au sprint et rate mon train pour Paris de deux minutes seulement! Le prochain est dans un peu plus de deux heures m’annonce le service de train Thalys. Patience. Impatience. Sur le maudit quai N° 8, je croise un trio de musiciens burkinabé en partance pour Bruxelles. Ils se mettent à me raconter leur participation au festival Africologne. Agglutinés au bout de la ligne, on ne voit pas le Thalys qui vient s’arrêter dans la section « B-C », embarquer et repartir sans nous! « Anne, j’ai encore raté le train! « 

      Ma déconfiture laisse de marbre les agents du Thalys. « Monsieur vous payez un nouveau billet, c’est tout ». Je casque 121 euros, le cœur gros comme ça. Je finis par embarquer à bord du train en toute fin de journée.

      Quelques minutes de repos, les relents de trois jours de bonheur à Bonn et la sympathie des journalistes de la Deutsche Welle me font vite oublier le déconvenue de la gare de Cologne. Je rentre à Paris, le cœur léger comme une plume. Cologne, je ne t’oublierai pas de si tôt.

      Poubelle en gare de Cologne - Crédit photo: Alimou Sow
      Poubelle en gare de Cologne – Crédit photo: Alimou Sow

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      Article : Lettre à mon frigo !
      Electricité
      23
      1 juin 2013

      Lettre à mon frigo !

      Mon frigo - Photo - Alimou Sow
      Mon frigo  (Crédit Photo : Alimou Sow)

      Mon «cher» frigo,

      C’est à la lumière blafarde d’une lampe chinoise agonisante que je t’écris cette lettre. J’espère qu’elle te trouvera en l’état, c’est-à-dire  en un morceaux. Dans le cas contraire, ton destin en terre africaine de Guinée était, de toute façon, de finir à la casse, en pièces détachées ou, pire, dans une décharge à ciel ouvert.

      Voilà près d’une semaine que nous nous sommes séparés après huit mois de cohabitation pas franchement amicale. Aucun service rendu ! Je ne te regrette point. Je ne te cache pas que j’en avais marre de ta présence futile et qu’il fallait donc mettre un terme à cette désagréable promiscuité. Tu m’encombrais inutilement. Quel désenchantement !

      Octobre 2012. Sentant mon niveau de vie emprunter, enfin, une courbe ascendante après avoir côtoyé, durant de longues années, les valeurs négatives (à mon corps défendant), je pris sur moi la décision de mettre un peu de fraicheur dans ma vie en t’achetant. Tu venais de Bruxelles et tu étais présenté par le revendeur, véritable marchand de tapis, comme une «occasion en or». Je t’acquérais avec grande espérance.

      Espérance de pouvoir étancher ma soif avec de l’eau fraîche, de manger en deux jours quelques lasagnes de bœuf (et non de cheval, je tiens à le préciser) en conserve, de prendre un yaourt en dessert, de mordre dans une pomme non ratatinée ou encore de pouvoir siroter un rafraîchissant verre de jus d’hibiscus tropical.

      Espérance aussi de vivre un fantasme d’adolescence

      J’ai passé une bonne partie de mon adolescence dans une concession en banlieue de Conakry où, dans les années 1990, nous faisions partie des rares habitants du quartier à posséder une antenne parabolique pour capter les images des télévisons étrangères. Les transitions publicitaires entre les programmes télés montraient d’appétissantes friandises, des pommes fraîches et des surgelés qui nous faisaient baver d’envie, mes amis et moi.

      « Dans quelques années nous aurons tout ça chez nous, dans nos congélateurs », se consolait-on entre potes envieux.

      Dix-huit ans plus tard, en dépit d’un changement de statut (et une tentative pour l’habitude alimentaire :-p), je n’ai toujours pas ça chez moi, dans mon congélateur.

      Par ta faute, maudit frigo ! Je ne t’ai quasiment jamais vu allumé. Jamais entendu. Aucun ronronnement. Toujours silencieux, nuit et jour. Muet comme une carpe. Avec ta carapace d’un blanc laiteux, tu étais sempiternellement recroquevillé sur toi-même dans ce coin de ma chambre que tu colonisais injustement. Pas parce que tu était en panne. Tu pétais la forme, mais tu refusais obstinément de t’allumer et de me rafraîchir.

      Après les longues journées de travail, les embouteillages ankylosant de Conakry, je rentrais chez moi dégoulinant de sueur, haletant de soif. Déshydraté. Mon envie irrésistible de prendre un rafraîchissant n’avait d’égale que la déception et la colère qui m’envahissaient après avoir ouvert ta porte pour tomber sur une chaleur suffocante venue de tes entrailles.  Même déception le matin au réveil quand je caresse le désir de recharger mes batteries avec un verre de jus d’orange. Pourtant, un frigidaire, à ce que je sache, ça doit cool, dans le vrai sens du terme. Tu ne l’as jamais été, cadavre de frigo !

      Combien de boites de conserves infectes, de plats de salade détériorés et des fruits pourris j’ai dû extraire de ton ventre pour la poubelle ? Salmonellose et fièvre typhoïde sont des cochonneries que tu as voulu me refiler à maintes reprises. J’ai résisté. Je voulais beurrer ma vie, tu t’acharnais à m’ôter celle-ci ou m’envoyer dans un lit d’hôpital-mouroir de Conakry. Tu es cynique, petit frigo.

      Un frigo, un bureau ou… une armoire à chaussures ?

      Malgré cette relation pour le moins … glaciale entre nous, j’ai vainement essayé d’être tolérant et même conciliant avec toi. J’ai voulu te garder, te rendre utile en te trouvant un autre job, une autre utilisation par substitution. D’abord je t’ai essayé comme table à manger : tu étais trop haut, donc inadapté.  Plan de travail : ta surface glissante rendait improbable toute stabilité. Armoire pour ranger les habits et chaussures : exigu et trop humide, tu pourrais foutre en l’air mes falzars new-look de nouveau Chargé de communication.

      Alors j’ai préféré te foutre hors de ma vue pour respirer la chaleur à pleins poumons et remâcher tranquillement ma soif inextinguible. Un sort que partageront très bientôt tes anciens voisins, notamment le téléviseur, qui me regarde plus que je ne le regarde, et le ventilo aux pâles immobiles. Tu as juste ouvert la voie.

      Appareils électriques : sans pitié je vous foutrai à la porte un à un. Y compris ces ampoules-toujours-éteintes, ce PC et ces téléphones qui se croient invulnérables. J’arracherai prises et interrupteurs, rallonges et thermoplongeurs pour vous plonger dans les abysses des décharges obscures de Conakry, puisque vous ne servez quasiment à rien. Traîtres que vous êtes.

      Mon souci est de trouver une remplaçante à ma chère bien-aimée lampe chinoise aujourd’hui à l’agonie. Car même sa lumière, quoique blafarde, m’est préférable à votre présence futile. Ça au moins c’est clair. A dieu « cher » frigo !

      Glacialement.

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      Un clic sur les réalités socio-culturelles de ma Guinée dans sa diversité

      Auteur·e

      L'auteur: SOW
      Blogueur guinéen de Conakry, je suis passionné de réseaux sociaux et de nouvelles technologies. L'humour est mon compagnon, la sérendipité ma valise. #Blog #Blagues #Tweet

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