Plage de Conakry, «the place to be»
A l’au-delà, au paradis comme en enfer des Conakrykas, l’ambiance sera de la partie ! J’en suis convaincu. Dieu que les habitants de ma capitale aiment faire la fête ! Quadrillez la ville avec un bataillon militaire et décrétez l’état de siège le plus strict, les fêtards de Conakry le braveront pour faire la nouba. Tendance «beach» en ce moment.
Détente plage. Et hop, c’est la ruée vers la mer. Un, deux et trois. J’ai surfé sur la vague et j’enfile, comme des perles, mon troisième dimanche, successivement, à la plage. Celle de Lambanyi, dans la commune de Ratoma.
L’ambiance est fun. Les uns livrent une partie de foot avec les potes, les autres se pressent par grappes sur des bancs en bois à l’ombre des palétuviers. La musique à fond la caisse. Les gazelles sont belles dans leur accoutrement : pagnes au tissu translucide, mini-jupes, et même mini-mini-jupes qui étalent des projets (croupes) tantôt exubérants, tantôt modestes façon taille de guêpe ; bodys DVD (dos et ventre dehors) ou simples soutien-gorge emprisonnant des obus qui vous font déglutir ! La démarche est chaloupée. L’ombre de leurs silhouettes se détachant sous les rayons du soleil couchant laisse des sillons dans votre âme comme leurs pas sur le sable fin de la plage…
Elles évoluent en solo ou trainent avec des mecs armés des regards revolver, la jalousie à fleur de peau. Vous sentez le mâle marquer son territoire en lançant énergiquement des mégots de cigarette à tour de bras.
Oubliez la planche. A Conakry on ne se rend pas à la plage pour faire du surf, ni même pour se baigner. Encore moins pour bronzer. Comme sur la plupart des plages de Conakry (Rogbané, Tokonko, Camayenne, Kipé etc.), la propreté de l’eau de mer reste douteuse à Lambanyi. La marée basse laisse découvrir un sol boueux et noirci par des algues hideuses. A part quelques gamins écervelés, pas de baignade donc ; les pagnes resteront solidement noués autour de la taille…
On y va juste pour le «fun», pour faire tendance. Pour l’air et le sable. Mais aussi pour la frime. Certaines meufs se la jouent Alicia Keys. Les iPhones , iPades et autres Smartphones sont brandis comme des trophées. Clic-clac. Séance photos à gogos pour … Facebook. On devine les commentaires qui suivront, plus assassins les uns que les autres contre la langue de Molière : « ont’ai a la plaaaaaaaaaaage et ct vrment trooooop kul » !
En réalité, on va à la plage pour échapper au chaudron de la ville – peut-être même inconsciemment. L’urbanisation sauvage et une gestion catastrophique de l’espace public ont fini de transformer la capitale Conakry en une prison à ciel ouvert avec son cortège de chaleur et de moustiques plus forts que des drones américains ! Ajoutez-y la poubelle urbaine pour noircir le tableau. Ces lieux de loisir remis au goût du jour représentent ainsi un havre de paix que les habitants de la ville (re)découvrent en mode «touristes écologiques» !
C’est terrible ce que la ville de Conakry manque de lieux de loisir appropriés. La capitale possède, certes, quelques restos huppés au centre-ville et des boites de nuit dont aucune, ou presque, ne respecte une quelconque norme de sécurité. Une bousculade ou un incendie feraient une hécatombe (je touche du bois) ! Nous avons aussi le fameux, le légendaire Palais du peuple. Notre omni-palais qui abrite le siège de l’Assemblée nationale où les députés ne s’invectivent plus depuis 2008. Alors, des mélomanes (je devrais dire des pyromanes) viennent s’y caresser régulièrement à coups de tessons de bouteilles et des fragments de chaises cassées lors des concerts.
C’est tout. A part peut-être les Maisons des jeunes où s’en vont cramer des fous du foot sous une chaleur infernale.
Le malheur des funs faisant le bonheur des autres, des petits malins ont flairé l’affaire pour aller déblayer les rares langues de sable qu’on peut trouver ça et là sur les côtes de Conakry, majoritairement colonisées par une mangrove dense et inextricable. Résultat : toutes les plages sont devenues quasiment privées avec un accès payant le weekend! Parfois elles sont détenues par d’obscures «associations de jeunes», souvent par des libano-guinéens, non moins obscurs, qui ne reculent devant rien pour acheter et vendre tout ce qui tombe dans leurs mains.
A ce rythme, bientôt ils vont nous facturer l’air libre !!! Vous avez dit business?
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